vendredi 5 novembre 2010

Vice City

J'arrive toujours cent cinquante ans après tout le monde, et m'émerveille de choses devenues banales, mais donc, oui, GTA Vice City est un choc – en fait, j'ai découvert San Andreas avant, mais il me plaît beaucoup moins, malgré sa map beaucoup plus grande – encore que trompeuse, car il me semble que les scènes en intérieur y sont moins nombreuses, qu'il y a beaucoup d'espace gratuit et inexplorable en réalité, et que l'action est plus répétitive, le jeu moins fun, tout simplement...

Tout a déjà été dit sur le gameplay de GTA, je n'ajouterai donc rien, si ce n'est que je constate une fois encore à quel point les univers virtuels sont beaucoup plus réels qu'on ne le croit ; ce sont des univers immatériels, et c'est tout, au fond – parce qu'ils existent comme cadre spatio-temporel, esthétique, parce qu'on y agit et qu'on y est agi, ils laissent dans la mémoire des souvenirs au même titre qu'un événement du monde matériel, qu'un paysage, qu'une personne réelle.

D'une certaine manière il y a une partie de moi qui vit réellement à Vice City – comme dans le petit village où se déroule la Secte Noire, ou dans la ville arabe du jeu Omeyad – puisque j'y ai des souvenirs, que j'y pense souvent, et que j'y retourne, et que j'y ai même un avenir – évidemment, c'est une partie de ma vie qui est extrêmement limitée, limitée aux quelques possibilités que propose le jeu.

Mais à y réfléchir, en quoi est-ce plus limité que la partie de moi qui va faire ses courses au Simply Market après le travail ? Ces moments-là, utilitaire, limités, sont pourtant réputés réels.

L'ensemble des gestes que je peux accomplir dans Vice City est même certainement plus vaste et plus varié que celui auquel j'ai droit lorsque je fais mes courses – dans l'absolu, évidemment, je pourrais me mettre à chanter à tue-tête au rayon fromage, faire l'amour sur les étals de poisson ou provoquer une bagarre générale, ou organiser un festival de poésie entre les rangées de bouteilles de vin, mais je ne le fais pas, et personne ne le fait, pour éviter le bug de la Matrice qui consiste en un vigile vous mettant poliment et fermement à la porte.

La somme des moments de nos vie où nous ne faisons pas toutes ces choses, parce que ça ne fait pas partie du programme, est gigantesque.

Ça vaut bien quelques échappées schizophréniques en Floride.

Et naturellement, ceux qui ne comprennent pas l'émerveillement que l'on peut ressentir en découvrant une nouvelle rue dans Little Haïti, au bout de plusieurs semaines de jeu, pourtant, et qui ne comprennent pas que cet émerveillement-là est un entraînement à l'émerveillement devant le monde réel, n'ont pas d'âme.

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