Pas d'Eden post-atomique (Malevil)

J'ai commencé à lire Malevil, de Robert Merle il y a peut-être deux ans et me suis arrêté en cours de route, sans doute à tort, mais un peu usé par la complexité du récit et par la langue même de l'auteur, toute en circonvolutions et en digressions, moi qui avec les années apprécie de plus en plus les styles et les récits simples, directs. Ce qui est probablement un indice que je deviens idiot. Tant pis.

Le film tiré du roman, lui, pêche un peu par excès inverse : certes les décors sont très réussis, très beaux dans le genre post-nucléaire (« L’aliénation de soi de l’humanité est telle qu’elle peut vivre son propre anéantissement comme une jouissance esthétique de tout premier ordre » Walter Benjamin) mais l'intrigue est pour le coup réduite à peau de chagrin : les protagonistes se réunissent au château, ça pète, on se débrouille pendant quelques temps, puis Trintignant se pointe, visiblement très méchant, et l'affrontement ne tarde pas. Ok.

La fin du film est plus optimiste que celle du roman : la guerre atomique n'a apparemment pas détruit le monde entier ni toute forme de société avancée, et des hélicoptères inattendus, inespérés,  et à vrai dire un peu importuns, arrivent un beau matin pour évacuer Emmanuel Comte (Michel Serrault) et ses compagnons. Plus optimiste en théorie.

En pratique, cette dernière scène est effroyable : la petite communauté a survécu, miraculeusement, à la guerre elle-même, puis au choc psychologique, à la famine, et à l'affrontement avec un autre groupe. Le soleil revient, le blé pousse, l'arrivée de femmes en âge de procréer évoque la possibilité de futures naissances... et voilà que cette liberté toute neuve, cet état de sauvagerie paisible, se retrouvent annulés, confisqués ; la récré est sifflée par des militaires aux voix métalliques, dans des hélicoptères assourdissants, qui évacuent toute la petite communauté sans lui demander son avis. Ceux qui ont détruit le monde continuent à faire la loi dans les ruines. Il n'y aura jamais de fin à la domination, il n'y aura pas d'Eden post-atomique.

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