dimanche 25 novembre 2012

Jeu textuel ou fiction interactive ?

Ce soir comme souvent je me promenais dans les rues, m'arrêtant devant quelques riches propriétés et rêvant à ce que je trouverais si j'y entrais par effraction ; quelles histoires recelaient ces maisons ; et ma pensée dériva vers les fictions interactives.

Je me demandais dans quelle mesure le terme "fiction interactive" était pertinent pour qualifier tous ces jeux qui se jouent en tapant des commandes au clavier. Par exemple, La Secte Noire est-elle une fiction interactive ? Il me semble bien que non ; certes on tape "nord, ouest, prendre tamis, tamiser eau, prendre clé" et autres joyeusetés, mais ce sont bien les graphismes qui donnent son ambiance et son identité au monde du jeu, et c'est en les regardant attentivement que le joueur imagine quelles actions il doit faire pour avancer dans la partie. À aucun moment le texte n'a de valeur informative fondamentale, ni poétique. Et l'interface "texte" pour agir dans le jeu est parfaitement remplaçable par un système "à la souris" sans dénaturer La Secte Noire.

A l'inverse on peut parfaitement trouver des jeux se revendiquant de la fiction interactive, comme, au hasard, Lieux Communs, où le texte est le medium fondamental du jeu ; c'est lui qui remplit la fonction informatique ET poétique. Il est irremplaçable, il est l'objet du jeu. Et à ce titre il est sans doute plus une "œuvre littéraire interactive" qu'un jeu vidéo.

Dès lors, quand on prétend écrire un jeu soi-même, il faut trouver sa juste place entre ces deux absolus... le jeu pur, à interface textuelle (qu'il soit d'aventure, de rôle, de gestion/stratégie, etc), et l’œuvre littéraire interactive. Ce qui concrètement pose des questions de règles, de système de jeu, de variables, etc – dois-je privilégier des variables qui modifieront l'ambiance du jeu, les variations textuelles, les rebondissements romanesques dans l'histoire ? ou des variables plus "dures" qui définissent les caractéristiques des personnages, des objets, de l'environnement ? En un mot comme en cent, s'agit-il d'écrire des règles qui décrivent un monde réaliste et consistant, comme une sandbox à la GTA ou un Daggerfall en mode texte – ou des règles qui font varier les éléments narratifs d'une histoire ?

Il me semble que faire un choix de catégorie clair est une nécessité si l'on veut faire du bon travail.

jeudi 8 novembre 2012

Gateway



Quelques réflexions sur Gateway, qui m'enthousiasme toujours autant – la musique, les graphismes, le monde développé sont géniaux – mais comporte malgré tout certains de ces aspects qui m'ont fait prendre en grippe les "jeux d'aventure" autrefois ; à savoir des puzzle impossibles à résoudre si on a pas la solution, ou un QI de 230 – et l'anglais comme langue natale, accessoirement.

Exemple : dans Central Park il faut abaisser un levier qui commande le bon fonctionnement d'un mécanisme, pour qu'un technicien vienne, il faut lui voler ensuite une clé à mollette et la cacher dans des pots de fleurs ou je ne sais plus quoi, pour ensuite l'utiliser dans d'autres locaux, afin de se faire amener une arme à feu par un robot qu'on contrôlera...

Là je dis non. N'importe quoi. Difficulté excessive, artificielle et malhonnête. Sauf à avancer en tâtonnant complètement et en essayant tous les chemins possibles, en testant toutes les actions, toutes les clés sur toutes les portes, on ne peut pas, de soi même, résoudre ce puzzle-là.

Quelques idées en vrac, donc :

– un objet nécessaire dans la progression d'une partie, sauf s'il est en soi unique (comme la Joconde) devrait être disponible en plusieurs exemplaires dans le jeu (en l’occurrence, dans cette armurerie OU à voler à un garde OU à acheter légalement si on arrive à obtenir un permis OU à acheter au marché noir, etc)

– un objet que l'on doit cacher doit être dissimulable absolument partout : sur soi, dans un pot de fleur, sous son pied, dans les fourrés, etc. Avec plus ou moins de chances de réussite, selon la cachette, mais quand même.

– on devrait également pouvoir s'enfuir en courant, briser la nuque du technicien, le corrompre ou le convaincre.

En somme, je déteste l'idée qu'il n'y ait qu'un seul moyen d'arriver à un résultat, SURTOUT quand ce moyen est complètement tiré par les cheveux. Il faut donc travailler à l'exacte inverse, sur mon propre jeu...

mercredi 7 novembre 2012

Je replonge dans les fictions interactives



Je replonge dans les fictions interactives, en tant que joueur, cette fois, ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps, mais la découverte du génial Gateway m'a remis dans le bain. Et convaincu qu'il faudra bien que j'inclue des graphismes à mes petits projets en Inform, tôt ou tard ; le texte seul, c'est bien triste, ne suffit pas à créer un monde – sauf si l'on est Dieu, je suppose. Et quand je vois que même un jeu aux dessins du niveau école maternelle comme Wasteland réussit à instaurer une ambiance, je me dis que finalement, il n'y a pas tant à craindre...

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Cela fait une éternité que je n'ai pas vraiment écrit ici ; ce qui est, d'une manière générale, la malédiction des blogs. Surtout des miens. Et surtout quand on s'éparpille. Mais bref. Je travaille beaucoup, beaucoup à mon jeu d'aventures textuel. Je travaille surtout à la programmation pure, à la création de règles suffisamment abstraites et générales pour qu'un monde cohérent puisse prendre place pendant une partie, sans que j'aie besoin de prévoir moi-même les réactions du jeu à chaque action que le joueur, lui, peut imaginer. Et dans l'idéal, pour que ces règles puissent me servir pour mes prochains jeux aussi, quitte à les améliorer, les épurer, etc, à chaque nouveau jeu – mais qu'au moins j'aie une base.

Créer un monde consistant n'est pas une mince affaire, surtout quand on a l'esprit aussi peu mathématique que moi. Mais c'est un travail passionnant. Souvent désespérant, et extrêmement gratifiant aussi, quand enfin ça fonctionne.

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Je me rends aussi compte d'une chose ; c'est une vraie misère, ce besoin de "justifier" l'imagination, la créativité brute par une fin ; même celle de créer un jeu pour son seul plaisir.

Pourquoi ne pas s'asseoir avec du papier et un stylo, et laisser venir les idées, les noms, les lieux, les personnages, sans but aucun, sans projet ? Faire ce que font les gosses. Je me souviens quand j'étais adolescent, il me suffisait de quelques tasses de café, d'un peu d'encens, d'un stylo et de feuilles à carreaux pour créer un monde – sans prétexte ni utilité, et surtout, sans personne à qui le communiquer ensuite. Mais je le faisais, parce que ça me venait, et voilà tout. Je dessinais et coloriais des cartes, j'inventais des personnages, des lieux, des histoires – c'était en général un gros patchwork de toutes mes lectures en bande-dessinée, romans fantastiques et autres, mes visions n'avaient rien de révolutionnaires mais c'étaient mes visions. Et elles prenaient corps mot après mot, croquis après croquis. Elles ont à l'époque, avant mes quinze ans, délimité un imaginaire qui est encore le mien aujourd'hui, après lequel je cours pour accoucher péniblement d'un jeu.