vendredi 19 janvier 2024

Solitary stars

I've finally finished my interactive fiction Solitary Stars, which has finished me off in return.

It took me more than five years of hard work and painful introspection to enrich the first draft, which I made public under the title L'Observatoire, on the occasion of the French comp 2016 organized as every year by the Fiction-interactive website.

The amount of additional content seemed to me to justify a change of title, so that it would be understood that this was not simply a 2.0 version: by way of comparison, a walkthrough of Solitary Stars is around 16,000 words long, compared with 6,000 words for the version released at the end of 2015.

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All in all, if I had to assess the creation of this interactive fiction and determine what I think of the result today, I'd say it's rather a failure. Its greatest merit is that it exists, and that's no mean feat, since bringing a work into existence is always an accomplishment and a source of satisfaction. But both in terms of the story itself and the way it develops through the player's actions, I'm not satisfied.

The whole dark, melancholy, pessimistic, pathetic, etc. side of the character and his story gradually became unbearable for me, and wanting to be rid, purely and simply rid, of such a concentration of negativity in my life played a big part in my eagerness to finish the game, to the detriment of improving it.

Over the past few months, I had planned to implement even more additional content and even introduce a fourth playable character (who would have been an ex-militiaman, with his own memories, specific NPCs, specific actions, etc.) but I gave up out of tiredness and disgust.

The fact that many of the character's memories and those of the NPCs he encounters, Paloma in the first instance, are more than inspired by my own life, is obviously no stranger to this growing unease; I was torn between perplexity as to the point of stirring up a number of memories that didn't need to be, and a growing doubt as to the interest this "autobiographical interactive fiction" could possibly hold for someone else, for a lambda player.

Paloma (whose real first name is Laura), the students evoked in the character's memories, and even the essential locations (the boulevard, the park, the barracks, the bistro, the swimming pool, Laetitia's apartment building, aka Letizia – all these elements of the game are inspired by a small neighborhood in Nancy that I've frequented quite a bit in my life.

There's a consolatory side to writing (fiction, interactive or otherwise), which is being able to "revisit" people or places you'll never see again, or to change the story. Or relive it over and over again. I've put a lot of my nocturnal dreams into the game, too - I've been writing them down for twenty years, and they're an inexhaustible source of characters, places and situations.

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Parenthesis: perhaps two years ago, I discovered a bistro in Nancy called "L'Étoile" on the corner of avenue du Maréchal Juin and rue des Frères Voirin. Knowing that it's exactly where my game begins, located in a dreamlike double of Nancy and even of this very neighborhood, and that it does indeed speak of the end of the world brought about by a living, evil, Lovecraftian star, I found the coincidence rather tasty.

A little creepy too.

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All this being said, regardless of my growing reticence towards its intimate content, my biggest regret about Solitary Stars is that I didn't manage – but this is precisely due to the story itself, which is very contemplative - to implement more concrete actions, more interactivity with the surrounding world, the objects, the few NPCs. This can give the impression, alas partly justified, that it's just one big short story where the only choice, or almost the only choice, is the order in which you want to read miles of narrative and lore.

I say "in part" because the character's path in the first part of the game is still very free, with quite a few possible variations, and in the second, the dialogue with Paloma can unfold and end in a variety of ways.

In this respect, I think I've given players a real choice of character type. Solitary Stars is a role-playing game in the original sense of the word.

But, yes, it's true that the clickable link system is less satisfying for exploring a neighborhood and trying to get all you can out of it, than the good old parser.

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Which leads me to the following conclusion: not only the pleasure, but the real object of interactive fiction is the interactivity itself, not the fiction. You need an interesting story, but that's not enough.

A phrase impressed me a few years ago, which I can't remember exactly, but it said that good games weren't about things, they were about people. That's partly true: it's more interesting to play an F.I. that offers interactions with NPCs with a minimum of differentiation, than to spend the whole game solving mechanical puzzles and Myst-style enigmas. At least for most people.

But a good story, good writing and good characters aren't enough either. They can even interfere with the game and its fundamental appeal: being able to perform actions, test things, and be offered interesting answers by the game.

I had to write a quasi-novel, partially interactive, to realize this.

Astres solitaires

J'ai enfin achevé ma fiction interactive Astres Solitaires, qui m'a achevé en retour.

Il m'aura donc fallu plus de cinq ans de travail et de pénible introspection pour enrichir le premier jet que j'avais rendu public sous le titre de L'Observatoire, à l'occasion de la French comp 2016 organisée comme tous les ans par le site Fiction-interactive.

La quantité de contenu additionnel m'a paru justifier un changement de titre, afin que l'on comprenne qu'il ne s'agit pas que d'une simple version 2.0 : à titre de comparaison, un walkthrough d'Astres solitaires fait environ 16 000 mots contre 6000 mots pour la version de fin 2015.

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Dans l'ensemble, si je devais faire un bilan de la création de cette fiction interactive et déterminer ce que je pense aujourd'hui du résultat, je dirais que c'est plutôt un échec. Son plus grand mérite est d'exister,  et ce n'est pas rien, car amener une oeuvre à l'existence est toujours un accomplissement et une satisfaction. Mais aussi bien concernant l'histoire elle-même que la façon dont elle se développe au gré des actions du joueur, je ne suis pas satisfait.

Tout le côté sombre, mélancolique, pessimiste, pathétique, etc... du personnage et de son histoire m'est progressivement devenu insupportable et le fait de vouloir être débarrassé, purement et simplement débarrassé d'une telle concentration de négativité dans ma vie a joué un grand rôle dans mon empressement à terminer le jeu, au détriment de son amélioration.

J'avais prévu, ces derniers mois, d'implémenter encore du contenu supplémentaire et même d'introduire un quatrième personnage jouable (qui aurait été un ex-milicien, avec ses propres souvenirs, PNJ spécifiques, actions spécifiques, etc) mais j'ai renoncé par fatigue et par dégoût.

Le fait qu'une bonne partie des souvenirs du personnage et des PNJ qu'il rencontre, Paloma en premier lieu, soient plus qu'inspirée de ma propre vie, n'est évidemment pas étranger à ce malaise grandissant ; j'étais partagé entre la perplexité quant à l'intérêt de remuer un certain nombre de souvenirs qui n'avaient pas besoin de l'être, et un doute croissant sur l'intérêt que cette "fiction interactive autobiographique" pourrait bien présenter pour quelqu'un d'autre, pour un joueur lambda.

Paloma (dont le vrai prénom est Laura), les étudiants évoqués dans les souvenirs du personnage, et même l'essentiel des lieux (le boulevard, le parc, les casernes, le bistrot, la piscine, l'immeuble de Laetitia, alias Letizia, tous ces éléments du jeu sont inspirés d'un petit quartier de Nancy que j'ai pas mal fréquenté dans ma vie.

Il y a un côté consolatoire dans l'écriture (de fictions, interactives ou non), qui est de pouvoir "revoir" des gens ou des lieux qu'on ne verra plus jamais, ou de changer l'histoire. Ou de la revivre encore et encore. J'ai mis pas mal de mes rêves nocturnes dans le jeu, aussi – je les ai notés pendant vingt ans, et c'est une source inépuisable de personnages, de lieux, de situations.

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Pure parenthèse : j'ai découvert à Nancy il y a peut-être deux ans un bistrot nommé "L'Étoile" à l'angle de l'avenue du Maréchal Juin et de la rue des Frères Voirin. Sachant qu'il se trouve exactement là où commence mon jeu, situé dans un double onirique de Nancy et même de ce quartier précis, et qu'il y est bien question de fin du monde provoquée par une étoile vivante, maléfique, lovecraftienne, j'ai trouvé la coïncidence plutôt savoureuse.

Un peu flippante aussi.

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Tout ceci étant dit, indépendamment de ma réticence grandissante envers son contenu intime, mon plus grand regret concernant Astres Solitaires est de n'avoir pas réussi – mais c'est justement dû à l'histoire elle-même, qui est très contemplative – à implémenter plus d'actions concrètes, d'interactivité avec le monde environnant, les objets, les quelques PNJ. Ce qui peut donner l'impression, hélas en partie justifiée, qu'il ne s'agit que d'une grosse nouvelle où le seul choix qui s'offre, ou presque, est celui de l'ordre dans lequel on veut lire des kilomètres de narration et de lore.

Je dis "en partie" parce que le parcours du personnage dans la première partie du jeu est tout de même très libre, avec pas mal de variations possibles, et que dans la seconde, le dialogue avec Paloma peut se dérouler et se terminer de diverses manières.

Je crois à ce titre avoir permis vraiment au joueur de choisir quel type de personnage il veut jouer. Astres solitaires est un jeu de rôle au sens initial du terme.

Mais, oui, il est vrai que le système de liens à cliquer est moins satisfaisant, pour explorer un quartier et essayer d'en tirer tout ce qu'il est possible d'en tirer, que le bon vieux parser.

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Ce qui m'amène à la conclusion suivante : non seulement le plaisir, mais le véritable objet d'une fiction interactive, c'est l'interactivité elle-même, pas la fiction. Il faut une histoire intéressante ; mais cela ne suffit pas.

Une phrase m'avait impressionné il y a quelques années, que je ne saurais plus citer exactement, mais qui disait que les bons jeux n'étaient pas au sujet de choses, mais de personnes. C'est vrai en partie : il est plus intéressant de jouer à une I.F qui offre des interactions avec des PNJ un minimum différenciés, que de passer toute sa partie à résoudre des puzzles mécaniques et des énigmes à la Myst. Du moins pour la plupart des gens.

Mais une bonne histoire, une bonne écriture, de bons personnages, encore une fois, ne suffisent pas non plus. Ils peuvent même parasiter le jeu et son attrait fondamental : le fait de pouvoir accomplir des actions, de tester des choses, et de se voir offrir des réponses intéressantes par le jeu.

Il m'a fallu écrire un quasi roman, partiellement interactif, pour m'en rendre compte.