mardi 1 mars 2016

Arnold Schwarzenegger

"Une compagnie féminine. Jouer aux échecs. Vivre en sauvage à l'écart des hommes. Vivre en aventurier. Plaisir du risque. Enlèvements, etc."

Michel Fourniret (authentique)

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J'ai toujours eu envie d'écrire une histoire du point de vue non seulement d'un monstre, mais de toute une société de monstres – un monde où la monstruosité est la norme, où la violence et le meurtre, voire le génocide, la cruauté, l'exploitation, le viol, l'horreur sous toutes ses formes, sont des composantes banales et anodines de la vie quotidienne. Et le tout sur un ton léger, badin, légèrement amusant, de roman d'aventures, qui ferait, précisément, ressortir toute l'horreur du monde décrit.

Je ne crois pas (mais ma culture a de terribles lacunes) que cela ait déjà été fait – si l'on excepte certains passages de romans comme Les Bienveillantes, où l'habitude de la mort et la violence extrême font que le narrateur ne relève plus qu'anecdotiquement les cadavres ambulants qui l'entourent lors de ses tournées d'inspections à Auschwitz et ailleurs. J.G Ballard, dans une certaine mesure aussi, décrit froidement – mais avec une satisfaction palpable qui rend la lecture légèrement perturbante – des mondes miniatures où les règles de la civilisation s'effondrent ; je pense notamment à IGH, où le cannibalisme et la lutte pour les "femelles" finit par devenir, tout naturellement, le mode de vie de cadres supérieurs en autarcie dans leur gratte-ciel ultramoderne. Mais cela ne prend pas chez eux l'aspect extrême et permanent, systématique, dont je "rêve".
 
Je veux jouer sur le malaise, le dégoût, obliger froidement le joueur à faire ce qu'il n'a (je l'espère) pas envie de faire, mais aussi envelopper le tout dans un humour énorme et implicite, un ton cool et aventureux qui désamorce en partie le malaise, tout en révélant d'autant plus l'abaissement moral du milicien-narrateur.

Ça n'est, à bien y réfléchir, qu'une version plus hard de la violence hollywoodienne, où Arnold Schwarzenegger descend trois types de balles dans la tête, avant de lâcher une grosse vanne puis d'entrer tranquillement dans un bar, comme s'il venait simplement de s'essuyer les pieds. Et pour ne parler que de jeux vidéos, que dire de ces jeux – ne serait-ce que les RPG – où le personnage-joueur peut tuer des centaines d'ennemis humains sans que sa psyché en souffre le moins du monde ; sans que cela ait plus de poids que de ramasser des champignons dans la forêt, pour une quelconque fetch-quest.

Dieu sait que j'ai un mépris abyssal pour les jeux qui prétendent apprendre au joueur où sont le bien et le mal, ou qui se qualifient eux-mêmes d'émouvants, ou de durs moralement – je ne sais plus quel jeu indé m'avait convaincu de la nécessité d'une désinstallation immédiate, après un avertissement au joueur, pompeux et prétentieux, quant aux scènes tristes qui risquaient de faire pleurer tout plein ses petits yeux. Aucun des jeux qui dans ma vie m'ont mis mal à l'aise, m'ont rendu heureux, fait planer ou pleurer, n'avait le mauvais goût de le revendiquer comme un argument de vente, fût-il hypocritement déguisé en avertissement.