mercredi 27 novembre 2013

Wasteland



Je l'avais commencé il y a un an ou deux, et pas continué car je ne comprenais absolument rien à "l'intrigue" et parce que la difficulté du jeu me semblait effroyable. Et en fait, je ne comprends TOUJOURS rien à l'intrigue, et le jeu n'est pas plus facile qu'avant, mais grâce à divers walkthroughs, un wiki très bien fait, et même un site qui analyse et répertorie le contenu du jeu (en termes informatiques) pixel par pixel, ou plutôt tile par tile, j'ai pu reprendre une partie en sachant :

1) qu'il faut farmer comme un taré avant de vouloir faire quoi que ce soit
2) qu'il faut farmer comme un taré avant de vouloir faire quoi que ce soit

Dont acte. Je me balade un peu, je compte sur les rencontres aléatoires pour gagner des XP et je triche en faisant une copie du dossier d'install du jeu de temps à autres, en guise de sauvegarde (parce qu'il n'y a aucun retour en arrière possible dans ce jeu, si un personnage est mort, il le reste ; et s'il est blessé et qu'aucun autre perso n'est assez compétent pour le soigner, il mourra inévitablement — et restera mort). J'ai résolu une petite quête ou deux qui ne mangeaient pas de pain. Pour les choses sérieuses on verra plus tard.

Un regret : pas assez de loot et de possibilités de gagner de l'argent pour s'acheter du matos ou simplement des munitions — ou alors c'est moi qui n'ai pas compris comme faire. C'est possible. Apparemment on peut miner du fric brut dans une mine abandonnée (infestée de mutants en tous genres, bien entendu ; à la Fallout, qui est le descendant de Wasteland) mais je n'ai pas encore le niveau nécessaire.

À part ça, sans la moindre ironie, c'est vraiment le pied.

Comme pour Darklands, les graphismes me font totalement retomber en enfance (et en l’occurrence me rappellent lourdement ceux du jeu Friday the 13th) et je les trouve BEAUX — je dis ça au premier degré et très sincèrement.

C'est d'ailleurs étonnant de jouer dans un monde post-apocalyptique rempli de mutants, de punks, de dégénérés et de robots tueurs, mais où l'herbe est bien verte, l'eau bien bleue, et où tous les intérieurs de bâtiments ont l'air de confortables vieilles maisons en briques, à l'anglaise — tout ça donne à Wasteland un côté enfantin, coloré, involontaire probablement mais qui rend l'expérience SYMPA au lieu d'être angoissante comme elle le serait dans un jeu gris et froid.

Comme quoi ce qu'un jeu dégage ne dépend pas que du discours qu'il tient sur lui-même, ni des intentions premières des concepteurs...





Ensuite, le jeu a des côtés répétitifs tout à fait reposants ; on peut jouer bêtement, à enchaîner les combats pour progresser, et je trouve ça sympathique — et plus assumé, comme farming, que d'inclure des pseudos missions sensées, type "va nous ramasser 3 champignons de tel type, dans la clairière là-bas". Ici, pas de prétention scénaristique ; le pur FUN de voir ses personnages progresser, dérouillée après dérouillée. Comme quoi le plaisir ne naît pas nécessairement de la complexité ou du réalisme.

















D'après ce que j'ai pu consulter sur le net, comme maps, soluces, etc, il existe des parties du jeu qui sont accessibles uniquement lorsqu'on a déjà bien progressé dans le jeu ; alors que Wasteland donne une fausse impression d'open-world quand il débute ; on peut aller librement où veut, quitte à se faire massacrer (Las Vegas et ses robots tueurs). C'est une AUTRE excellente idée : celle de donner au joueur l'impression qu'il peut, s'il le veut, faire le tour du jeu... avant de sortir de son chapeau de nouvelles zones, de nouveaux événements, de nouveaux personnages auxquels il ne s'attendait pas.

Rien n'est plus gratifiant que le neuf et l'inattendu dans un jeu qui se présente, de prime abord, comme minimaliste et répétitif.

samedi 16 novembre 2013

Darklands

Je prends un plaisir fou avec ce jeu de 1992, qui semble être l'un des tout premiers exemples de RPG open-world et même "sandbox" puisqu'il n'y a ... pas de quête principale, ni aucun but autre que de gagner de la thune et de faire le buzz (traduit en langage du jeu : gagner des points de célébrité). J'imagine que ça devient lassant au bout d'un moment, mais d'après ce que je lis, il y a des centaines de quêtes possibles, et chaque partie est différente des autres, du fait de X paramètres aléatoires. Et avouons-le : quand on a une journée de travail dans les pattes, et qu'on a pas DU TOUT envie de réfléchir, se promener dans un petit RPG comme celui-ci, avec tout ce qu'il a de limité et de répétitif, est affreusement reposant.




Les illustrations sont chouettes et me rappellent Iron Lord et Daggerfall — les maisons à colombages, l'ambiance paisibles des villes la nuit... Même commentaire, pour la musique, d'ailleurs. Je ne sais pas comment un gamin de 15 ans peut ressentir aujourd'hui ces vieilles musiques en General MIDI, mais moi ça me transporte — mille fois plus que les très pompeuses et sans doute très onéreuses B.O de Skyrim ou que sais-je.



Point original : lorsque l'on est pas en mode combat ou exploration de donjon (que je n'ai pas encore testé), le jeu se présente comme un Livre Dont Vous Êtes le Héros, avec des lieux où l'on peut se rendre, et / ou actions purement contextuelles, généralement nombreuses. En cas d'attaque on peut par exemple : essayer de discuter, ou essayer d'intimider les assaillants, ou essayer de fuir, ou combattre, ou se rendre... Combien d'autres jeux proposent un tel choix ?







Chose amusante et agréable, le jeu se déroule dans le Saint Empire Romain Germanique, qui incluait à l'époque une partie de la Lorraine, de l'Alsace, etc. Ce qui fait que je me suis installé, dans le jeu, à peu près là où je vis réellement.



La map me fait elle aussi penser à Iron Lord — on notera que les saisons passent, dans le jeu, et qu'en hiver, un blanc manteau recouvre tout. Un manteau de pixels blancs, ok, mais celui à qui cela n'inspire aucune mélancolie, aucun souvenir d'enfance, aucune réminiscence de tapisserie médiévale vue dans un musée, un jour, celui-là n'a de toutes façons pas d'âme.

lundi 11 novembre 2013

Maps infinies

Je travaille depuis quelques temps sur un système, en Inform7, pour avoir une map démesurément grande, voire "infinie", du point de vue de l'expérience du joueur, en tous cas ; par exemple une map qu'il serait impossible d'explorer entièrement avant que, d'un point de vue réaliste, le personnage ne meure de vieillesse, tant cela prendrait de temps.

J'aime les jeux comme Daggerfall ou Elite qui sont infinis, pris dans ce sens-là ; des jeux inépuisables et inexplorables, et qui plus est, dotés d'un contenu généré procéduralement à chaque nouvelle partie, ce qui rend l'expérience de jeu unique et toujours renouvelée. Mais qui sont, malheureusement aussi, des jeux monotones, répétitifs, et finalement pauvres en contenu, qu'il soit procédural ou pas ; avouons-le.

Je me cogne exactement à ce problème : j'essaie de créer une map dont il faudrait, par exemple, un mois (ingame) pour la parcourir ; on pourrait se déplacer dans toutes les directions, où que l'on soit (supposant que l'on soit en extérieur), il n'y aurait qu'une seule room dans le jeu (soit le monde entier), avec un système de coordonnées verticales et horizontales qui indiquent au joueur où il se trouve sur la carte. Et selon les coordonnées spatiales du joueur, la description des lieux et leur contenu en terme d'objets changerait. En -1 ; 15 on lirait "Vous vous trouvez dans des marais putrides", alors qu'en -1 ; 16 on sortirait des marais pour lire "Vous êtes dans une plaine à l'herbe bien grasse" - et le programme se chargerait de faire apparaître une ferme, un chien, un rocher, que sais-je, qui disparaitraient à nouveau au prochain déplacement. Tout ceci est rodé et fonctionne.

Du moins, ça fonctionne techniquement ; en terme de gameplay, pas du tout. Il est naturellement impossible d'écrire une description "à la main" pour chaque position possible sur la carte (admettons qu'elle aille de 1 ; 1 à 100 ; 100 - cela ferait déjà 10 000 localisations possibles) ; peut-être est-il possible d'écrire des description générées procéduralement, selon le type de terrain où le joueur se trouve, l'heure, la météo, les objets présents, et divers critères aléatoires qui donneraient des descriptions un peu moins répétitives et monotones, mais malgré ça, ça ne fonctionne pas.

Parce que contrairement à un jeu en 3D (au hasard : Morrowind ou GTA), une fiction interactive (basique) n'a que des mots à offrir.

Et qu'aller quinze fois vers le nord pour lire "Vous êtes dans une plaine. Vous voyez un sapin" , "Vous êtes dans une plaine. Vous voyez trois rochers et deux champignons", "Vous êtes dans une plaine. Vous voyez une vieille ruine et un ruisseau qui coule avec un bruit joyeux", etc, c'est parfaitement assommant.

Que le monde soit très réduit en terme de rooms, ou gigantesque, il faut que les lieux aient un sens – dans tous les sens du terme, c'est à dire une raison d'être, un contenu, et une articulation réelle, cohérente, avec le reste de l'espace. Du coup il est plus facile de placer un jeu dans un contexte urbain : les lieux ont déjà une signification en eux-même et une articulation logique. Dans la nature, par contre, tout est plus répétitif et vide ; si on peut être charmé par les couleurs d'une forêt ou un reflet de lumière particulier sur l'eau dans un jeu à graphismes, dans une fiction interactive, c'est beaucoup plus compliqué à mettre en œuvre...

J'avais envisagé par exemple – en dehors des descriptions et autres messages d'ambiance procéduraux faisant varier automatiquement et aléatoirement les messages du jeu – d'inclure après les descriptions de lieux, des citations de faux auteurs, ou faussement encyclopédiques, pour ancrer les lieux du jeu (les lieux chiants : forêts, plaine, marais, etc). Et / ou des indications plus techniques comme la température extérieure, pour un côté plus roguelike. Ça aurait pu donner quelque chose du genre : 

"Vous êtes dans la forêt au nord de Marithza. Tout autour de vous, de hauts sapins, majestueux, aux branches lourdement chargés d'aiguilles d'un bleu profond. Le ciel est d'un bleu intense, sans nuages. Au loin on distingue les monts enneigés du Grand Sanctuaire.
"Tous marchaient en silence, tête baissée, ignorant la faim et le froid sur la route du Grand Sanctuaire " (Evgueni Korsan) 
Vous pouvez voir : deux girolles, un grand rocher, une ruche.
Température extérieure : 25 °. Position : 35 ° nord, 23 ° ouest"

J'ai mis en rouge ce qui pourrait être une partie de la description générée aléatoirement (prise au hasard dans un ensemble de phrases d'ambiance liées à la forêt par exemple) – en bleu, un message lié aux conditions météo dans le jeu, que l'on aurait où qu'on soit (en extérieur, tout au moins). En fuchsia, une citation prise au hasard dans un ensemble de citations liés au lieu du Grand Sanctuaire.

Tout ceci est sympathique et plus parlant que "Vous êtes dans une forêt, y a des arbres" deux cent fois de suite quand le joueur avance deux cent fois dans la forêt, mais ça ne suffit quand même pas.

Et puis, dans la vraie vie, on ne peut jamais vraiment aller dans TOUTES les directions, en permanence. Dans l'absolu, si ; mais en pratique, non. L'espace est organisé, il y a des routes, des parcelles privées, des lieux sans intérêt, aussi.

Comment faire alors pour concilier "map gigantesque" et "map qui a du sens" ?

Note du 19 mars 2018 :

Je n'ai toujours pas trouvé la réponse à cette question...  et même en ayant plusieurs fois, au fil des années, tenté de reprendre ce système de map à coordonnées, et en l'améliorant, je n'ai jamais trouvé comment l'exploiter de manière pertinente dans une fiction interactive, c'est-à-dire, malgré tout, un jeu fondamentalement fondé sur une histoire.