vendredi 11 mars 2011

Minecraft, encore et toujours

Minecraft a plus de 5 millions de joueurs ayant acheté la licence. Ce qui signifie quelques dizaines de millions de mondes potentiels, en mode solo. Et tous les mondes multi-joueurs hébergés sur le net.

En un peu plus d'un an, ce jeu est devenu impossible à explorer exhaustivement. Personne sur terre ne pourra jamais visionner un panorama complet des constructions de tous les joueurs de ce jeu. C'est devenu un univers dans l'univers. Un infini dans l'infini. Ceux que cette pensée ne trouble pas, sont des animaux.

Second Life est mort, discrédité, de toutes façons dès sa naissance ou presque, étouffé par le consumérisme qui y règne, par sa laideur aussi – comme quoi le photoréalisme n'est pas une garantie d'esthétisme – mais surtout par le fait que tout enjeu en est absent. Tout enjeu, tout effort, tout danger, toute problématique.

Je l'avais déjà écrit il y a presque un an : 

"Second Life n'a rien d'un jeu ni aucune des caractéristiques qui font du jeu quelque chose de fondamental. Il ne s'y passe rien de particulier et on y est "libre" ; sauf qu'on est libre uniquement de ne rien faire de fondamental. Et qu'il ne s'y passe rien est la pire option imaginable : dans la vraie vie, il y a des épreuves à traverser, qui tombent du ciel ; il se passe des choses auxquelles on ne peut rien. Les choix sont limités. Et les jeux, qui reflètent ces épreuves à passer, permettent de s'y préparer, ou de sublimer, ou de se libérer. Second Life n'est pas un jeu, c'est même l'anti-jeu par excellence ; et ça n'est pas la vie, même seconde, ou même virtuelle ; ça n'est pas la vie, c'est son contraire."

Minecraft, par contre, c'est la vie – avec sa solitude fondamentale, l'indifférence de la nature, l'absurdité des difficultés et de l'adversité qui s'abattent sur nous – mais aussi, la possibilité de se construire quelque chose, pour soi. La possibilité de trouver un sens quand même.

J'ai souvent rêvé d'un espace virtuel où retrouver des amis et y bâtir un petit coin "à nous". C'est chose faite. C'est maintenant une chose possible. Mais alors que j'utilisais autrefois le verbe "bâtir" sans en peser les implications, Minecraft est allé plus loin : tout ce que vous voulez y avoir, vous devrez le gagner à la sueur de votre front (ou de votre index, plutôt) – mais la satisfaction est encore plus grande. L'impression d'y être. L'envie de le faire perdurer.

Quelque chose se joue dans Minecraft – quelque chose de lié à ce qu'il y a de fondamental dans la vie.

Minecraft, again and again

Minecraft has over 5 million players who have purchased the license. That means tens of millions of potential single-player worlds. And all the multiplayer worlds hosted on the net.

In just over a year, this game has become impossible to explore exhaustively. No one on earth will ever be able to view a complete panorama of the constructions of all the players of this game. It's become a universe within a universe. An infinity within an infinity. Those who are not troubled by this thought are animals.

Second Life is dead, discredited, in any case almost from its birth, suffocated by the consumerism that reigns there, by its ugliness too – as photorealism is no guarantee of beauty – but above all by the fact that all stakes are absent. All stakes, all effort, all danger, all problems.

I wrote about this almost a year ago:

"Second Life is not a game, nor does it have any of the characteristics that make a game fundamental. Nothing in particular happens, and you're 'free'; except that you're only free to do nothing fundamental. And that nothing happens is the worst option imaginable: in real life, there are trials and tribulations to go through, which fall from the sky; things happen that you can't do anything about. Choices are limited. And games, which reflect these trials and tribulations, allow us to prepare for them, or to sublimate them, or to free ourselves. Second Life is not a game, it's even the anti-game par excellence; and it's not life, even second, or even virtual; it's not life, it's its opposite."

Minecraft, on the other hand, is life – with its fundamental solitude, the indifference of nature, the absurdity of the difficulties and adversity that befall us – but also, the possibility of building something, for oneself. The possibility of finding meaning after all.

I've often dreamed of a virtual space where I could meet up with friends and build a little corner of my own. It's done. It's now possible. But whereas I used to use the verb "to build" without weighing up the implications, Minecraft has gone one step further: anything you want to have there, you'll have to earn by the sweat of your brow (or index finger, rather) – but the satisfaction is even greater. The feeling of being there. The desire to make it last.

There's something at play in Minecraft – something to do with what's fundamental in life.

vendredi 4 mars 2011

Visions

En me couchant après toute une journée sur Minecraft, exténué, j'ai fermé les yeux, et ai alors eu des visions irrépressibles de paysages en 3D primitive, emportés par des torrents, des secousses, des glissements de terrain, aspirés par un trou noir, incendiés, effondrés. À grande vitesse.

Comme si mon esprit voulait me montrer qu'il ne lui fallait que quelques secondes pour réduire à néant les bâtiments, les paysages que j'avais patiemment mis des heures – des semaines, des mois, dans le temps du jeu – à construire.

Était-ce un avertissement, une mise en garde contre ma facilité à détruire ou à laisser détruire en un clin d'œil tout ce que je fais de ma vie ? Pour sauvegarder cela ?

Ou était-ce au contraire une réaction rageuse des quelques neurones sains qui me restent, voulant me montrer par là ce qu'ils en faisaient, de mes petits décors 3D pour lesquels je sacrifie le monde réel ?