La Tempête (fiction interactive)

La Tempête est ma deuxième fiction interactive publiée, initialement pour la French Comp 2018 du site Fiction-Interactive.fr où elle est arrivée en quatrième place — sur cinq, il est vrai.


La version du concours n'est plus disponible, remplacée par une version débuggée et à laquelle j'ai également ajouté un peu (assez peu, en réalité) de contenu.


On peut également télécharger le jeu sur itch-io : https://stephanef.itch.io/la-tempete

Une version anglaise a été réalisée dans la foulée, par moi-même, avec l'aide et les corrections finales de Jack Welch (qui a participé au même concours avec un excellent jeu : Faute de Servo)

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La Tempête est l'adaptation en I.F d'un micro-récit que j'avais publié sur mon site perso à l'époque — pour l'instant indisponible :

« Un homme sort de sa maison par une nuit de tempête, après avoir entendu des cris répétés dans la nuit. Il suit les cris qui semblent toujours aussi éloignés au fur et à mesure qu’il avance. Que finit-il par trouver ? Lui-même, nu et recroquevillé, terrifié. La maison n’est qu’une ruine inhabitée. »

Le thème du concours cette année-là était « Mémoire ». Il m'a paru intéressant d'explorer un peu plus ce personnage — humain ou pas, on ne le saura pas vraiment — qui croit avoir une vie, qui vit dans une hallucination de vie, de normalité, et qui découvre finalement que ce n'était qu'un rêve ; qu'il est nu, au sens propre comme au figuré. Mémoire fictive plus que mémoire tout court, donc — à supposer qu'il existe une forme de mémoire qui ne soit pas au moins en partie une fiction...

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J'ai un peu bouffonnement sous-titré le jeu « autoportrait » après avoir réalisé que l'extrême passion du personnage pour le cocooning, son besoin absolu de calme, de paix, de silence, de confort petit-bourgeois, étaient les miens.

« Vous aimeriez vous rendormir, passer une nuit interminable et paisible au chaud, sous la couette, dans la quiétude, la sécurité, et une inconscience heureuse. [...] Des bains chauds, interminables. Une moiteur utérine, propice à l'assoupissement. Dormir, ou plutôt végéter dans une semi-conscience heureuse. »

« Vous avez toujours aimé la nuit. Les nuits de sommeil paisible, dans une heureuse inconscience, sous la protection de vos hauts et épais murs. Nuits de lecture, ou de déambulation silencieuse d'une pièce à l'autre, jouissant du seul fait d'être en vie, d'être là, de posséder cet endroit, et tous les objets qui vous entourent, comme constitutifs de votre être. »

« À bien y penser, vous n'avez pas d'ami. Ni la même relation amoureuse, ou quoi que ce soit qui puisse y ressembler, ou y mener. Et cela ne vous manque pas, finalement. Il y a des solitudes heureuses. L'essentiel pour vous n'est pas d'être en relation avec un autrui hypothétique, imprévisible et au fond incompréhensible, mais simplement d'être bien, en paix avec vous-même et avec le petit monde qui vous entoure, le petit monde que vous vous êtes créé. »



Comme je l'ai écrit sur ce blog il y a quelques mois :

« Je ne randonne pas dans la campagne ou sur les chemins de forêt, car je perds de plus en plus le goût de la nature ; je me contente d'errer tous les soirs, ou presque, dans les quartiers résidentiels qui bordent ma ville. [...] Je regarde les maisons, soupirant d'envie envers ceux qui y vivent, et me demandant sans fin [...] pourquoi moi je n'ai pas eu droit à ça, à ce délicieux sentiment régressif et ancestral du home sweet home. J'imagine un monstre encore à nommer, qui s'introduirait chez les gens ; un vampire qui ne serait pas assoiffé de sang, mais d'appartenance à un lieu et de possession d'un lieu, d'appartenance à une famille et au monde, mais inévitablement renvoyé dans les ténèbres du dehors. »

Cette idée « vampirique » est presque le fondement de tous les scénarios que je pourrais bâtir, et que j'ai déjà bâtis, sur ce thème de la maison ; et je sais que je suis loin d'en avoir fini avec.

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Questions thématiques mises à part, mon autre but en commençant ce jeu, il y a un peu moins de deux ans, à une époque où je bossais à 100% sur des fictions interactives à liens hypertextes, était de retrouver ce « bon vieux feeling » du parser, que j'avais redécouvert en jouant à Untold Stories (épisode 1) — mais en dépassant une bonne fois cette limite du « je ne sais pas quoi taper / je ne sais pas comment formuler ce que je veux faire » qui bloque tant de joueurs, et moi le premier.

Quelles grandes pistes :

• Une implémentation maximale — il m'est insupportable d'avoir une réponse d'erreur (ou ultra-générique) dans un jeu, quand je veux examiner, par exemple, un objet décrit dans le texte d'une room.

• Essayer d'intégrer un maximum de synonymes pour les verbes et les noms, et veiller à ce que les expressions de la vie courante soient correctement comprises par le jeu. Par exemple, « prendre un bain » ne signifie pas PRENDRE un objet BAIN. De même que « pousser la porte » signifie en réalité l'ouvrir... Dans cette optique, j'ai remplacé la plupart des réponses de base des actions, ou en ai crée. J'ai également essayé de développer autant que possible l'action « utiliser », en lui faisant détecter, selon l'objet auquel elle s'applique, la réponse la plus pertinente. Parallèlement, pour éviter justement au maximum les situations où le joueur ne sait pas quoi taper, à cause d'un parser trop exigeant, j'ai cherché à multiplier autant que possible les synonymes.

• J'ai simplifié / automatisé certaines choses, comme par exemple avec la commande « allumer la lumière » (formulable de diverses façons) qui détecte automatiquement tous les luminaires dans une pièce, et les allume, s'ils sont éteints. L'inverse fonctionne aussi. Le but n'étant pas uniquement d'ajouter un gadget technique au jeu, mais de progresser vers une compréhension des expressions les plus quotidiennes, les plus banales, les plus naturelles qu'utilisent les gens — sauf les joueurs professionnels de fictions interactives, qui ont l'esprit perverti par plusieurs décennies de jeux à l'approche ultra-analytique.

• Les rooms sont systématiquement doublées par des backdrop qui me permettent aussi bien de gérer les déplacements que les actions en tous genre (penser à, fouiller, etc) que l'on peut imaginer. Ainsi, si n'importe où dans la maison, le joueur tape « aller dans la cuisine », ou « penser à la cuisine », c'est le backdrop qui est détecté et qui répond à l'action. Soit par une réponse narrative (The ThinkingResult of the CuisineBackdrop) soit par un déplacement (vers la EnteringDestination du backdrop).

Ce ne sont là que quelques exemples de ce que je tente de faire pour sortir des jeux à parser qui offrent une souplesse d'utilisation et un niveau de réponse au joueur, satisfaisants.

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