dimanche 24 juillet 2016

Le bon vieux temps

Les jeux parus sur Amstrad CPC dans les années 80-90 sont probablement ce qui m'a le plus forgé culturellement ; pas la musique, pas les romans ni la BD, pas le cinéma ni le Club Dorothée, non : les bons vieux jeux d'aventure, de rôle ou d'action sur CPC 6128 et CPC 464 (assorti d'un lecteur de disquettes externe).

C'était le bon vieux temps, le vrai : des après-midi entières, seul devant Laser Squad, B.A.T ou Sapiens. Ou à jouer à Iron Lord, en arrivant presque au bout. C'était Boxing Manager. Friday the 13th, avec ses graphismes enfantins mais que je vénère et préférerai toujours à n'importe quel jeu actuel, et dont la B.O m'a fait découvrir Bach.

Des nuits innombrables à tenter le bluff, sur Tension, et son incroyable musique, quinze ans après. Et entre les deux, adolescent et déjà nostalgique, les parties de Cauldron.

Plus qu'une influence culturelle, le CPC a implanté en moi et pour toujours une esthétique, visuelle et sonore.

J'en parle déjà sur ce blog :

"Je ne dirai jamais assez ce que je dois à la logithèque de l'Amstrad CPC, dans la formation de mon imaginaire d'enfant – à vrai dire pour ma génération, les jeux vidéos ont tenu le rôle que les contes de fées, ou plus tard les romans et les bande-dessinées ont du tenir pour d'autres, dans des proportions sans doute impossibles à mesurer mais réelles."

Bien qu'ayant commencé comme tout le monde avec des Boulder Dash et autres Gauntlet 2, je suis rapidement tombé – et je n'aurais pas connu cela en sacrifiant comme certains de mes petits camarades à la culture console – dans les jeux d'aventure, textuels ou à interface graphique : Le Manoir de Mortevielle, La Secte Noire, SRAM 2, Omeyad, L'Île...

Ces jeux statiques, silencieux ou presque, sans pitié et laconiques, avaient une aura, un mystère, une fascination qui m'en faisait rêver la nuit : une inspiration divine me faisait taper LA commande attendue, et je découvrais des rooms, des personnages, je débloquais des événements.


J'avais vaguement tenté, gamin, de me mettre au Basic 1.1, et j'avais d'ailleurs commencé mon propre petit jeu textuel, codé avec les pieds, mais où l'on pouvait naviguer entre plusieurs pièces d'une maison déserte et obscure – j'avais déjà un imaginaire marqué par la vie et la chaleur. Il me semble aussi qu'il y avait une ruelle, un masque qui traînait au sol...

Il n'est pas dit que j'aille plus loin pour l'instant – question de temps et d'énergie, comme toujours. Mais je sortirai fatalement, un jour, un petit jeu, même extrêmement humble, en Basic, pour CPC – pour émulateur, en tous cas, même si de nos jours certains vieux ou nouveaux fans hardcore sortent de nouveaux jeux pour cette machine, au format disquette, avec boîtier, etc. Mais pour le gamin que j'ai été, incapable de comprendre ce langage et sa logique, et donc de donner vie à ses rêveries, même un simple fichier .DSK perdu sur un serveur quelconque, ce sera une sacrée revanche – on a les revanches qu'on peut.

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Un nouveau venu sur le forum iFiction, le dénommé Corax, a publié cet été la démo de son premier jeu en Inform 7, intitulé La Boussole des Brumes. Un monde parallèle où pénètre un simple écolier, avec des chats d'ombre, des lutins, un marchand en carriole, et des jeunes garçons, des jeunes filles mortes. C'est très bien écrit, très sobre et très parlant pour autant, et d'une vraie poésie. Les combats sont les mieux écrits, les plus vivants que j'aie jamais lus dans un jeu.

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Cette démo m'a redonné envie de travailler, alors que je commençais à mollir sérieusement. Et sur une I.F classique, à parser, alors que mes autres projets en cours sont tous à liens hypertextes. Ce sont des gros projets, que je ne peux pas espérer achever avant longtemps, et La Boussole des Brumes m'a convaincu de travailler sur quelque chose de plus humble, plus laconique, et dénué de prétention, mais que je prendrais du plaisir à créer – le joueur en prendra-t-il à y jouer, c'est toujours une autre question.

J'ai toujours voulu écrire une I.F qui se déroulerait sur la station de ski, dans les Vosges alsaciennes, que je connais depuis ma naissance et où mes parents nous emmenaient skier et loger dans un grand chalet, bordé de forêts, de terrains à chevaux, de pistes de luge et de ski... Un décor qui m'a toujours hanté et dans lequel j'ai mentalement fait se dérouler nombre de romans que j'ai pu lire par la suite, et encore plus de scénarios, rêveries, fantasmes personnels... Stephen King a sa bonne ville de Castle Rock, moi c'est ce lieu-là – et au fond, entre l'Amérique rurale telle qu'on la présente, romantique, rude, mystérieuse, dans les films et les romans, et ces coins-là de la France, il n'y a pas une grande différence.

J'ai donc commencé à modéliser, avec Inform 7, sous forme de rooms et d'objets, les lieux réels, tels qu'ils sont ou tels que je m'en souviens. Le chalet de mon enfance et les quelques autres qui bordent la route principale de la station, le self-service abandonné, les pistes, la chapelle... Un merveilleux terrain de jeu entièrement dédié à l'exploration, l'examen des trouvailles, et à une bonne dose d'horreur, puisque mon influence Kingienne ne se limite pas aux seuls décors.



Depuis L'Observatoire (dont la version web a été intégralement faite par l'ami Éric), je me suis enfin mis – un petit peu – au CSS et au travail sur l'aspect visuel d'une I.F. Je ne suis pas nécessairement partisan d'une illustration par room du jeu ou par PNJ à rencontrer. C'est beaucoup de travail et en ce qui me concerne j'ai souvent une idée tellement précise et ineffable à la fois des lieux et des personnages, qu'aucune illustration ne peut me satisfaire. Mais surtout, l'intérêt d'une I.F est de laisser à l'imagination du joueur l'essentiel du travail. Dans cette idée, un nombre restreint d'images, comme par exemple une "couverture" et une image de fond pour la page web peuvent largement suffire à donner au joueur une idée, une coloration, une amorce de l'identité visuelle du jeu – son imagination fera le reste, brodant à partir de ça.

(Ceci étant, le même Éric m'a appris ces jours-ci à utiliser le script Python qui permet enfin d'afficher des illustrations avec Quixe – grâce lui soit rendue).