lundi 12 février 2018

Anchorhead

J'avais commencé, il y a quelques semaines, et sur les conseils insistants de Monsieur Bouc, le classique de la fiction interactive qu'est Anchorhead, de Michael S. Gentry, sorti en 1998 et "Best setting" aux XYZZY awards de la même. Une histoire 100 % Lovecraftienne, avec sa petite ville portuaire décrépie, ses tomes poussiéreux, anciens et impies, et sa malédiction familiale à base d'inceste, de meurtres et de suicides en tous genres. Michael Gentry apparaît dans le documentaire Get Lamp, où il parle de sa démarche créative, de ses motivations initiales, et du fait qu'il a écrit l'histoire en ayant en tête de parler de sa relation avec son épouse ; ce que je trouve émouvant et inquiétant à parts égales.

J'avais commencé à établir la map générale de la ville, de la maison du personnage-joueur, et noté un certain nombre d'indices, lorsque j'ai vu sur Twitter l'annonce de la sortie de la version Inform 7, illustrée, augmentée et légèrement modifiée (en termes, justement, de map, et de puzzles). On peut l'acheter sur Steam ou Itch.io :


J'ai peu d'éléments de comparaison, puisque je suis donc presque immédiatement passé à la version la plus récente, mais j'ai pu constater qu'en effet la map était légèrement remaniée, et les puzzles un peu différents (du moins le seul puzzle que j'ai résolu jusqu'ici, et qui consiste à monter sur un baril pour, avec son parapluie, tirer vers soi une échelle métallique permettant d'accéder au toit d'un immeuble).

L'écriture est très agréable, évocatrice, chargée de mystère et de menace, et reprend le champ lexical lovecraftien sans jamais être ridicule. L'implémentation est à peu près parfaite ; tous les objets et éléments de décor peuvent être examinés, et les PNJ ont quelque chose à dire sur quasiment tous les sujets sur lesquels on peut les interroger. Les livres, documents administratifs et autres, que l'on peut consulter, sont nombreux et bavards. Rien à redire, donc, sur le contenu du jeu et sur l'univers qui nous est proposé.

La seule chose qui me pose problème, c'est... l'absence réelle de motivation pour agir. Le premier jour, on s'introduit dans l'agence immobilière pour trouver les clés de la maison, très bien, on va récupérer Michael à l'université, très bien, et on rentre se coucher dans notre nouvelle maison. Le deuxième jour... On fait certes un rêve étrange, bourré d'indices. Mais Michael nous prévient qu'il va travailler un peu, seul, et on se retrouve désoeuvré(e), sans objectif clair. Pas de garagiste en ville pour faire réparer la voiture, pas d'entreprise à appeler pour rétablir l'électricité dans la maison... On ne peut même défaire ses bagages, qui encombrent l'entrée de la maison. Et ce fichu rêve est un peu léger pour partir enquêter.

Bien sûr, on peut voler sa carte d'étudiant à Michael et s'en servir pour aller consulter de vieux ouvrages ésotériques à l'Université. On peut se perdre dans les ruelles d'Anchorhead et trouver un magasin de souvenirs et de bibelots, dont le propriétaire nous offre une amulette étrange. On peut aller consulter les archives du tribunal, ou essayer de visiter l'aile des patients, à l'asile du coin. Mais au fond, pourquoi ? Pourquoi une femme venant d'arriver dans une nouvelle ville et une nouvelle vie, irait DIRECTEMENT enquêter sur le passé de la famille de son mari, et sur les lectures de ce dernier ? Pourquoi explorerait-elle la ville de fond en comble ? À la recherche de quoi ? Le joueur a, bien entendu, ses propres motivations, mais les justifier dans le scénario même aurait été intéressant et aurait peut-être permis d'amener plus naturellement les découvertes qu'on est amené à faire.

Cette absence d'objectif clair pour le personnage principal est sans doute ce qui m'empêche le plus, pour l'instant, d'avancer dans mon aventure. J'ai vaguement consulté les solutions en ligne, qui concernent la version de 1998 et ne sont, je l'ai constaté, en grande partie plus utiles. Mais la même pensée m'est venue en les parcourant : POURQUOI le joueur fait-il ce qu'il fait ? C'est d'autant plus gênant que le temps ne passe, dans le jeu, qu'une fois qu'on a atteint les "objectifs", précisément, qui nous sont implicitement donnés.

À suivre, donc.

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