mardi 31 mai 2011

Les gamers rêvent-ils de pin ups électriques ?

"Ce qui a toujours manqué dans le jeu vidéo, c’est la dimension humaine. C’est-à-dire, tous ces personnages auxquels vous vous sentez reliés, pour lesquels vous éprouvez quelque chose, que vous haïssez ou dont vous tombez amoureux."

Brendan McNamara, réalisateur de L.A Noire.

Oui, c'est affreusement vrai. Souvent, dans les jeux on s'attache à des lieux particuliers, à une ambiance, à un "monde" ; mais rarement, pour ne pas dire jamais, à des personnages non joueurs. Et pourtant, ce serait tellement bien de pouvoir tomber amoureux d'un PNJ.

Pas d'un pauvre petit paquet de lignes de code aussi primitif que Denise Robinson dans GTA, non, des vrais PNJ dignes de ce nom, des personnages, avec leur caractère, leur autonomie, avec leur imprévisibilité, avec leur marge de manœuvre et un catalogue d'actions et de réactions, d'initiatives, suffisant pour qu'on y croie – que l'on y croie juste assez pour se souvenir qu'il s'agit d'une fiction, tout en se laissant aller à s'y attacher. Et à projeter nos fantasmes sur eux.

Le phénomène d'identification, qui permet la catharsis, ou encore la cristallisation d'un certain esprit du temps, de certains discours, dans des personnages élevés au rang de mythes, bref, tout ce qui dans la littérature contamine la réalité intime et collective – encore que je n'aime pas forcément ce verbe contaminer, qui sonne un peu PsyOps, disons plutôt, car c'est encore plus juste, tout ce qui dans la littérature informe la réalité et devient un domaine de la réalité, tout cela le jeu vidéo doit se l'approprier aussi.

Oui, le jeu vidéo doit nous proposer des histoires, ou en tous cas, des cadres narratifs – lieux, personnages, problématiques, ambiance, esthétique, catalogue d'actions et de situations possibles – où des histoires doivent pouvoir surgir. Car il n'y a pas de vie sans récits.

*

Il n'y a pas d'existence non plus, d'ailleurs, sans vie quotidienne – qui est n'est pas, elle-même hors-récit (elle en est un à sa manière, un récit low-intensity) mais s'y inscrit, comme des moments en creux, nécessaires, et comme un cadre elle-même. Et n'est-ce pas justement Rockstar, l'éditeur de L.A Noire, qui avec la série des GTA, a introduit la notion de vie quotidienne dans le jeu vidéo ?

Un simple tour sur YouTube le montre : les fans des Grand Theft Auto, pour développer sur cet exemple précis, au-delà des missions proposées et de la storyline même du jeu, se construisent leur vie privée, quotidienne, dans l'espace (géographique et d'action) qui leur est proposé. Visiter la ville dans ses moindres recoins, défier la police, faire les plus belles cascades, prendre des photos des scènes auxquelles on assiste – accidents de la route, fusillades entre gangs rivaux, conversations entre passants – chacun peut selon son tempérament et ses lubies, trouver de quoi s'occuper dans la vaste Sandbox qu'est – pas uniquement, mais aussi – le jeu.

À titre personnel, il m'arrive plus souvent, plutôt que de remplir les missions le plus vite possible, de lancer San Andreas pour faire un petit jogging paisible au crépuscule, dans les rues de Los Santos, afin d'améliorer jour après jour mon endurance et ma musculature – et ensuite, me balade, prendre quelques photos, danser à l'Alhambra, ou jouer aux excellentes bornes d'arcades qu'on trouve un peu partout dans le jeu.

Une vie quotidienne répétitive, lente, simple ; de celles qui laissent des souvenirs, de vrais souvenirs, réels et personnels, au joueur. Minecraft, dans un autre genre, ne propose pas autre chose.


Et je pense que c'est là le charme principal de GTA : on rentre du travail dans sa vraie vie, on vaque à ses occupations, et à un moment de sa soirée, on consacre une heure à faire son jogging dans une copie de Los Angeles, ou à bomber en Porsche sur la plage de Vice City, au crépuscule, avec Tears for Fears à la radio. Avec de temps à autres, choisies ou imposées, des épreuves qui marquent des évolutions dans le destin du personnage que l'on est – en société, comme dans l'écran. Le jeu vidéo comme une extension et un domaine de la vie quotidienne, et de la vie tout court.

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