vendredi 12 février 2010

Déléguer le rêve

Je suis retombé dans Second Life, sans remords ni hésitation, ni plus de questions existentielles quant à ce jeu qu'il convient de prendre pour ce qu'il est, et pour ce qu'il propose, et rien de plus. En l'occurrence, le meilleur moyen que j'ai trouvé pour voir du pays, pour me promener dans des lieux d'une variété infinie, en pur touriste, en pur esprit. Mes explorations des heures durant dans Second Life, ne cherchant même plus, ou si peu, à établir un contact humain avec les quelques personnes que je croise, sont ce qui ressemblent le plus, finalement, à du rêve éveillé. Ou à du rêve tout court, tant il m'est arrivé fréquemment de rêver que je marchais seul, dans des lieux inconnus, dans des villes, des jardins, des structures architecturales démentes. Moi qui n'ai plus le temps de dormir, je peux bien déléguer le rêve à un logiciel.

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Quelqu'un se désolait sur MSN récemment de l'importance grandissante de Facebook, qui tend à devenir un catalogue standardisé et exhaustif de l'espèce humaine – quelque chose de parfaitement inhumain et même de satanique, d'un certain point de vue, tout à fait respectable et juste ; mais aussi, je trouve, quelque chose de fascinant, et même, pas dénué de beauté. Une forme toute nouvelle de beauté. Comme celle de cet économiseur d'écran que l'on peut télécharger, Surveillance Screensaver, qui permet de regarder, en pur voyeur, des caméras de surveillance publiques un peu partout sur la planète. Évidemment que l'on peut pousser de hauts cris, les libertés bafouées, la fin de la vie privée, etc. Mais il y a indéniablement une beauté là-dedans. Celle d'une sorte de conscience, d'omniscience, qui émerge peu à peu, dont nous pouvons tous avoir notre petite part. Je considère presque cela comme une forme de méditation – une forme certes humble, assez mécanique et qui n'offre pas vraiment d'illumination et encore moins de libération, mais enfin, passer une nuit blanche à parcourir des CENTAINES de photos sur Flickr ou Deviant Art, à voir des photos de villes, de rues, des clichés de vacances, des autoportraits, des instantanés, à voir comme Dieu le voit, l'ensemble de la réalité, en même temps, ou presque, procure une sensation que j'ai souvent ressenti, de ne plus vraiment exister, de n'être plus qu'un regard qui plane au-dessus du monde, détaché du temps et de l'espace. Cette impression-là, je l'ai aussi, en beaucoup moins forte évidemment, en surfant simplement sur le net. Sans doute est-ce là l'explication de cette forme d'addiction : le surf comme moyen d'échapper au réel, à l'espace, au temps, à soi-même.

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