mercredi 30 août 2023

Gone Home (english)

To start with a quote from another game, What Remains of Edith Finch :

The house was exactly like I remembered it. The way I'd been dreaming about it. As a child, the house made me uncomfortable in a way I couldn't put into words. Now, as a 17-year-old, I knew exactly what those words were. I was afraid of the house.

A few years ago, Yann Leroux interviewed me on Skype, among other people, as part of a study he was doing on the role and weight of locations in video games, for gamers (I've never seen the results of this study and regret it, as the subject is fascinating).

I wrote about it here:

https://l-idiot-mystique.blogspot.com/2015/10/some-thoughts-on-weight-of-places-in.html

I think I went on at length to describe my feelings about Gone Home, a game whose scenario left me relatively indifferent, but whose exploration of places in themselves, for themselves, had, on the other hand, transfixed me.

However, there's nothing very threatening about the scenery, and even if the rain at the start, the empty house, the shadow play... all conspire to create an atmosphere of mystery, in no way does Gone Home really try to scare the player - but it's true that generally games that try to scare the player do so in such a crude way, like Alan Wake, which I intensely disliked, that anything that doesn't fall into that category falls into the "creepy games" category.

I remember telling Leroux (but why? in what context?) that my most vivid, haunting memories, the ones that haunt me and have shaped my personality, are rarely "biographical" memories - i.e. linked to events – but memories of perception.

The play of light through the shutters in the morning, in the Vosges chalet where we usually spent our vacations.

The yellowish light in the kitchen, in the early hours of the morning, when it was dark, in the small apartment where we lived when my sister and I were still children.

The strange, vaguely distressing sound, for reasons difficult to formulate, of water running through the pipes at my parents' house, when I took a bath at night, alone at home.

The greyness, dirt and rusty garage doors of Nancy, when I first drove there in 1998.

And so on and so on.

When I started Gone Home, I was transformed into pure perception. Obviously, the game has a storyline, but to be honest I've never managed to get interested in it; not that it's uninteresting in itself, but finding myself in this empty house, at night, with the sound of the storm outside and all the time I want to wander around and examine every room, every object, from every angle, exerts such a fascination on me that no story could really interest me.

The game is set in the 90s, which doesn't help matters since that's the decade in which I spent my adolescence, and the few cultural, musical, video-game and other references offered by the places to explore are those of my own past. Gone Home allows you to (re)live an experience that everyone does, of course, in their lives, but here it's accentuated by the fact that it's at the heart of the game: realizing that you're embodied in an era, with its daily way of life, its aesthetics, its objects, its architecture. And, above all, to become aware of all that is ineffable, untransferable and so soon to be forgotten.

Gone Home (français)

Pour débuter avec une citation d'un autre jeu, What Remains of Edith Finch :

The house was exactly like I remembered it. The way I'd been dreaming about it. As a child, the house made me uncomfortable in a way I couldn't put into words. Now, as a 17-year-old, I knew exactly what those words were. I was afraid of the house.

Il y a quelques années, Yann Leroux m'avait interviewé sur Skype, parmi d'autres personnes, dans le cadre d'une étude qu'il faisait sur le rôle, le poids les lieux dans les jeux vidéos, pour les joueurs (je n'ai jamais vu les résultats de cette étude et le regrette car le sujet est passionnant).

J'en avais parlé ici même :

https://l-idiot-mystique.blogspot.com/2015/10/quelques-reflexions-sur-le-poids-des.html

Je lui avais longuement, je crois, décris mes sentiments liés à Gone Home, qui est un jeu dont le scénario m'a laissé relativement indifférent mais dont l'exploration des lieux en eux-mêmes, pour eux-mêmes, m'avait, en revanche, tétanisé.

Les décors n'ont pourtant rien de très menaçant, et même si la pluie du début, la maison vide, les jeux d'ombres... conspirent à installer une ambiance de mystère, en aucun cas Gone Home n'essaie réellement de faire peur au joueur – mais il est vrai que généralement les jeux qui essaient de faire peur au joueur le font d'une manière tellement grossière, comme Alan Wake, que j'ai intensément détesté, que tout ce qui ne tombe pas dans ce travers-là sort de la catégorie "jeux flippants".

Je me souviens avoir dit (mais pourquoi ? dans quel cadre ?) à Leroux que mes souvenirs les plus marquants, les obsédants, ceux qui me hantent et ont façonné ma personnalité, étaient rarement des souvenirs "biographiques" c'est-à-dire lié à des événements – mais des souvenirs de perception. 

Le jeu de la lumière à travers les volets, le matin, dans ce chalet des Vosges où nous passions habituellement nos vacances.

La lumière jaunâtre dans la cuisine, au petit matin, quand il faisait sombre, dans ce petit appartement où nous habitions quand ma soeur et moi étions encore enfants.

Le son étrange, vaguement angoissant, pour des raisons difficiles à formuler, de l'eau passant dans les canalisations, chez mes parents, quand je prenais un bain la nuit, seul à la maison.

La grisaille, la saleté, les portes de garages rouillées, à Nancy, quand j'y suis arrivé en voiture en 1998. 

Et ainsi de suite.

En démarrant Gone Home, je me transforme en perception pure. Évidemment, le jeu a un scénario mais pour être honnête je n'ai jamais réussi à m'y intéresser ; non qu'il soit en lui-même inintéressant, mais me retrouver dans cette maison vide, la nuit, avec le bruit de l'orage au dehors et tout le temps que je veux pour y errer et examiner chaque pièce, chaque objet, sous tous les angles, exerce sur moi une fascination telle qu'aucune histoire ne pourrait vraiment m'intéresser.

Le jeu se déroule dans les années 90, ce qui n'arrange rien puisque c'est la décennie au cours de laquelle j'ai vécu mon adolescence, et les quelques références culturelles, musicales, vidéoludiques, etc, que proposent les lieux à explorer sont ceux de mon propre passé. Gone Home permet de (re)vivre une expérience que chacun fait, bien entendu, dans sa vie, mais ici accentuée par le fait qu'elle est au coeur du jeu : réaliser que l'on est incarné dans une époque, avec son mode de vie quotidien, son esthétique, ses objets, son architecture. Prendre conscience surtout de tout ce qu'il y a d'ineffable, d'intransmissible, et de si vite promis à l'oubli dans tout cela.