mercredi 28 février 2018

La Tempête


La Tempête est une I.F "à l'ancienne", dont l'envie m'est venue en jouant au premier épisode de Stories Untold. L'absence de puzzles paralysants, la simplicité du parser, l'ambiance et la qualité de l'écriture – malgré ou peut-être à cause de sa grande sobriété – et le cadre contemporain réaliste mais sombrant peu à peu dans l'horreur, m'ont donné envie de réessayer. Réessayer cette forme archaïque qu'est le jeu où on tape des commandes, en essayant – c'était le petit "défi" technique qui m'a décidé pour de bon à me lancer – de la rendre accessible au plus paumé des néophytes. Avec pour but, au-delà de ce jeu en particulier, de me faire mes propres règles pour d'autres I.F classiques, à l'avenir. Je vais essayer de détailler comment, sans trop spoiler – encore qu'il n'y ait pas grand chose à gâcher.

Rien n'est plus frustrant dans une I.F que de taper "examiner ceci" ou "examiner cela", parmi tous les objets ou éléments de décor que le texte décrit, et de se voir répondre un message générique indiquant qu'il n'y a aucun objet correspondant à ce que l'on vient de taper. Je me suis donc imposé, autant que possible, de décrire chaque objet ou élément de décor, dans chaque pièce – puisque le jeu se déroule entièrement dans une maison, avec son jardin. Y compris ce qu'on est censé voir par les fenêtres. Et les choses qui ne sont toujours directement évoquées, comme le sol, ou les murs.

J'ai aussi, pour ne pas rester dans des actions mécaniques (ouvrir, fermer, fouiller, actionner, toucher, renifler, que sais-je...) fait en sorte que l'on puisse penser à la plupart des objets présents, mais aussi aux choses intangibles, aux souvenirs, aux émotions, etc.

A thing has some text called ThinkRésultat.

Instead of thinking of something (called S) :

if the ThinkRésultat of S is not ""
begin ;
say "[the ThinkRésultat of S]." ;
otherwise ;
say "Rien de spécial ne vous vient." ;
end if.


Pour me faciliter la vie, enfin, j'ai attribué à chaque objet un texte appelé, par exemple, "touch". Et quand on touche un quelconque objet dans le jeu, c'est ce texte qui constitue la réponse.

A thing has some text called touch. The touch of a thing is "Cela n[']évoque rien de particulier au toucher".

Instead of touching something :
say "[the touch of the noun]." ; rule succeeds.

The couette is a female undescribed thing in ChambreRoom. The description is "Large, épaisse, confortable. D[']un blanc immaculé, digne d[']une publicité.". The indefinite article is "la". The couette is fixed in place. The touch of the couette is "Son contact est doux, agréable. Elle tient bien chaud, sans étouffer. Vous y passez de bonnes nuits douillettes".


Cela évite de devoir écrire une exception pour chaque objet du jeu, du type :

Instead of touching the crépi :
say "Il est neuf et acéré, vous y laissez une très esthétique marque de sang." ; rule succeeds.


Cela n'apparaît pas dans La Tempête, mais je vais faire la même chose pour l'ouïe, l'odorat, le goût...

J'en profite pour expliquer (on m'a posé la question sur Twitter ou je ne sais plus où) le pourquoi du "rule succeeds" : sans cette précision, le jeu considère que l'action n'a pas eu lieu. Ainsi pour que l'on puisse, plus tard, si besoin est, écrire quelque chose comme :

if we have touched the crépi, ...

... alors il faut que l'action ait réussi, et donc forcer le "rule succeeds".

Concernant les action et les déplacements, j'ai essayé dans l'ensemble de faire un jeu qui comprenne des commandes correspondant à la façon dont les gens parlent, pensent – et non pas à la logique des fictions interactives à parser telles qu'elles existent depuis 40 ans et quelques. Je ne prétends pas réinventer la roue ni révolutionner le genre, mais permettre autant que possible à des gens qui ne sont PAS habitués à la F.I (c'est-à-dire, par exemple, la totalité de mes proches et amis).

Les déplacements, traditionnellement dans une I.F, se font en tapant "nord", "sud-ouest", etc... Cela peut avoir son charme (un charme rétro, qui peut être une raison suffisante) et cela a l'avantage de proposer une topologie objective, qui ne dépend pas de la position du personnage-joueur, de la direction à laquelle il fait face, etc. Mais dans mon optique "L'I.F pour les Nuls" – nuls dont je fais partie, bien souvent – j'ai décidé qu'on pourrait taper, par exemple "sortir de la chambre", "sortir de la maison", "aller dans la cuisine", "entrer dans la salle de bain", "remonter dans la chambre", etc...

Toutes les manières simples, quotidiennes, évidentes, de demander au programme de nous déplacer, dans une pièce directement adjacente, ou non, devaient être reconnues.

A Lieu is a kind of backdrop.

A Lieu has a room called EnteringDestination. The EnteringDestination of a Lieu is Void.

A Lieu has a room called ExitingDestination. The ExitingDestination of a Lieu is Void.


Ainsi, chaque room a son "double" sous forme de backdrop, qui la plupart du temps se trouvera "everywhere". Ainsi, avec l'action adaptée sur ce backdrop, on pourra atteindre n'importe quelle room, depuis n'importe quelle autre, mais aussi, penser à elle, par exemple.

SalleÀManger is a Lieu. The ThinkRésultat of SalleÀManger is "Vous avez passé tant de dimanches de jeunesse à devoir attendre que votre famille daigne quitter la table.".

Je me suis fait plaisir avec les synonymes :

Understand "se rendre dans [a Lieu]" or "se rendre à la [a Lieu]" or "se rendre au [a Lieu]" as entering.

Understand "descendre dans [a Lieu]" or "descendre à la [a Lieu]" or "descendre au [a Lieu]" as entering.

Understand "remonter dans [a Lieu]" or "remonter à la [a Lieu]" or "remonter au [a Lieu]" as entering.

Understand "monter dans [a Lieu]" or "monter à la [a Lieu]" or "monter au [a Lieu]" as entering.

Understand "revenir dans [a Lieu]" or "revenir à la [a Lieu]" or "revenir au [a Lieu]" as entering.

Understand "rentrer dans [a Lieu]" or "rentrer à la [a Lieu]" or "rentrer au [a Lieu]" as entering.

Understand "retourner dans [a Lieu]" or "retourner à la [a Lieu]" or "retourner au [a Lieu]" as entering.

Understand "sortir dans [a Lieu]" or "sortir à la [a Lieu]" or "sortir au [a Lieu]" as entering.


Une dernière remarque : je me suis efforcé de rédiger les descriptions et les actions de telle sorte qu'il soit impossible de déterminer si le personnage principal est un homme ou une femme. J'en ai bavé.

*

Pour finir, les quelques commentaires de joueurs :

"The best writing in the competition."

"Un jeu d’ambiance, et l’ambiance est bien rendue. J’ai apprécié les textes, ils stimulent l’imaginaire. J’ai donc pris plaisir à découvrir cette petite et sombre histoire. Techniquement, c’est une fiction interactive classique, mais j’ai apprécié le travail fourni pour fluidifier les commandes. Je me suis senti très libre. Aucun bug à signaler. Le thème du souvenir, ici souvenir trouble, pour dire le moins, est omniprésent. Pas mal !"

"This is the most atmospheric of the games and I think the one with the strongest writing, as one might have expected from the author's L'Observatoire. This work is implemented as a fairly straightforward parser story, but feels a bit more like natural language than the usual "go north", "take item", etc. There is no "out of game" part of this work, which I think makes it more immersive, i.e., no "infos / aide / crédits " and this even extends to the ending -- unlike most works, there is no "annuler / recommencer " -- the interpreter just stops dead. In Gargoyle, the effect was to literally close the interpreter window, which surprised me !"

"J'ai joué à La Tempête une nuit d'insomnie, lumières éteintes, et alors qu'au dehors, la pluie battait les carreaux. Sans doutes les meilleures conditions possibles pour l'immersion, et le pire remède imaginable contre l'insomnie. Techniquement, c'est un jeu a parser Inform très classique, on a pas cherché à révolutionner le genre. La réalisation, toutefois, est impeccable ! Plutôt que de se déplacer à l'aide des directions cardinales, on tape des commandes bien plus naturelles, on peut interagir avec énormément d'objets, plusieurs verbes de perceptions ont été prévus par l'auteur, bref, l'attention portée aux détails est remarquable. Et ça a pour effet de pousser le joueur à s'investir, à chercher à incarner au mieux le personnage, à réagir de la façon la plus naturelle, la plus réaliste possible, à faire lui même l'effort de s'immerger au mieux dans cet univers presque tangible. Alors, évidemment, dès lors que l'on tombe sur le moindre verbe manquant, ça nous saute d'autant plus aux yeux que jusque là, tout, absolument tout semblait avoir été prévu par l'auteur. Mais comment reprocher à quelqu'un de ne pas être dans notre tête, de ne pas avoir imaginé la totalité des réponses possibles aux interrogations parfois farfelues de tous les joueurs potentiels ? J'aurais aimé pouvoir tenter de respirer, de méditer, de me poser quelques secondes et d'essayer de calmer ma panique quelques instants, ou crier, hurler pour me défouler, quitte à me voir répondre que tout cela est vain et ne fait qu'augmenter mes angoisses, mais bon, ce n'est pas possible... Tant pis. Dans un sens, cela sied bien à l'esprit de La Tempête... La narration est vraiment excellente, l'oppression, tangible des les premiers instants, devient vite insoutenable. On voit venir la fin, on la sent arriver, terrible, mais inéluctable. On a beau tout tenter, se raccrocher au moindre espoir, on se rend vite compte qu'on ne fait que différer l'inévitable. Et pourtant on essaye. La linéarité de l'aventure n'est ici pas un défaut, au contraire, elle sert le récit, et quand bien même on essayera naturellement de se soustraire à cette fin insoutenable, il faut bien reconnaître que toute autre issue aurait été décevante, artificielle, inappropriée. Quant au tout dernier contact avec le jeu, une fois tapée l'ultime commande, ce pop-up "the game session has ended", cette brisure brutale de l'immersion par un message par défaut en anglais, qui nous renvoie d'un coup hors de la fiction et nous rappelle à notre réalité de joueur, de lecteur devant son ordinateur, j'ai tenté plusieurs heures de savoir si c'était extrêmement décevant ou particulièrement brillant, puisque ça fait écho à la situation du personnage, expulsé lui aussi hors de l'illusion pourtant très convaincante que représentait son confortable foyer... Et puis je me suis dit que je surinterprétais sans doute, et que si cela me poussait à une telle réflexion, que cela ait été volontaire ou non, c'était réussi."

"Jeu très agréable, ambiance assez intéressante."

"J'aurais aimé donner à ce jeu la meilleure note parce que c'est le seul jeu du concours non seulement à accepter les commandes du joueur sous forme textuelle, avec toute la liberté que cela implique et la prise de risque au niveau implémentation, mais en plus un effort notable a été fait pour comprendre des formulations pas forcément gérées de base dans les jeux inform. Quelques bugs trouvés en jouant (le fait de pouvoir prendre les lampes, et la commande appeler, principalement), mais rien de bloquant. À une époque j'aurais baissé la note technique pour ce point, mais pour le SEUL jeu parser du concours à avoir pris le risque, je ne le ferai pas. J'espère qu'une version corrigée sera mise en ligne bien sûr ! L'ambiance est réussie et on est vite dans le vif du sujet. En revanche la fin est très abrupte, et si elle relève plus de la mise en présence du joueur d'un état psychologique troublé que de la narration d'une histoire, j'aurais aimé quelques éléments en plus sur le personnage, son histoire, et une conclusion un peu plus développée. Mais de toutes façons je ne suis pas très grand amateur d'histoires qui laissent au joueur ou lecteur la liberté de boucher les trous avec sa propre interprétation, et tout le monde n'a pas la même approche que moi de ce genre d'histoire "incomplète" (ou, pour être plus juste, focalisée sur un point mais sans développer ce qui est hors du propos initial). En fait, c'est un peu un paradoxe. C'est le seul jeu du concours qui donne une grande liberté au joueur dans ses actions, mais dans le même temps il rend cette liberté inutile car l'issue est toujours la même, et les actions n'offrent même que peu d'informations sur l'histoire ou le personnage. En revanche cela fonctionne très bien en tant qu'expérience, dans le sens faire vivre une expérience précise au joueur.

Quelques petits bugs, mais rien de gênant à ce niveau-ci. Par contre, assez déçu de l'absence d'influence sur ce que fait le joueur : au final la fin est figée et arrive assez brutalement. De plus, il est possible de finir le jeu en étant passé à côté d'une grande partie du jeu.
L'idée était intéressante mais la réalisation semble inaboutie. Le style d'écriture n'est pas toujours très naturel. Les descriptions mettent bien dans l'ambiance mais on peut sortir trop vite de l'histoire. Donc on reste un peu sur sa faim. On voudrait pouvoir interagir davantage avec les éléments de façon à ne pouvoir sortir que lorsqu'on a vu tout ce qu'il fallait voir pour mieux comprendre l'histoire. Quelques fautes d'orthographe et actions non prévues (mais difficile de prévoir tout ce qui peut passer par la tête des joueurs)."

"Sympa, et colle bien au thème. Pas très interactif par contre."

mercredi 14 février 2018

L'Observatoire


Quelques news peu théoriques et très factuelles concernant L'Observatoire.

J'ai commencé à débuguer le jeu presque immédiatement après sa sortie pour la French comp 2016, et me suis rapidement dit que je pourrais un peu enrichir le texte, ajouter des développements sur ceci et cela... Au final, j'y travaille toujours. 

L'Observatoire ne sera jamais un très TRÈS gros jeu, car je veux garder la structure très simple d'une errance songeuse, limitée à un quartier, pour tuer le temps avant un rendez-vous. Mais il est toujours possible d'introduire de nouveaux souvenirs et pensées, de nouveaux développements quant au background du jeu, de nouvelles micro-événements et rencontres, quitte à limiter le nombre de ceux que l'on pourra vivre au cours d'un seul walkthrough ; c'est en fait, même, précisément, la technique que j'ai trouvée pour faire des jeux finissables (pour moi, pas pour le joueur). Faire court et simple, mais multiplier les chemins possibles. De manière générale, l'avantage d'un jeu court mais avec 789498625 embranchements possibles, c'est que l'on peut le mettre à jour régulièrement, cela ne gâchera la sauvegarde de personne. Si l'on fait un jeu qui prend 3 ans à être fini par le joueur, sortir une nouvelle version tous les quelques mois avec des quêtes en plus, c'est énervant pour tout le monde vu qu'il faut tout recommencer.



Voici une liste non-exhaustive, et ne spoilant pas trop, des ajouts que j'ai fait :

– Le jeu comportera (si tout se passe bien d'un point de vue technique...) quelques illustrations, pour les lieux, dont celle qui orne cet article. Des photos prises par moi-même, réduites à 8 couleurs pour leur donner ce petit cachet "jeu d'aventure Windows 95" que j'aime tellement.

– Il y aura plusieurs objets à ramasser, utilisables à divers moments de la partie.

– Un télégramme de Hartmann, dans l'inventaire du personnage-joueur, à lire, pour introduire un peu mieux l'histoire.

– De manière générale, le passé commun du personnage-joueur, de Paloma et de Hartmann est beaucoup plus développé tout au long de la première partie du jeu.

– Plus de mots-clés à cliquer dans les descriptions, donnant des détails sur la ville, sa géographie, sa population, les souvenirs personnels du personnage-joueur à leur propos, etc. Les réponses du jeu seront beaucoup plus différenciées selon le background que le joueur aura choisi pour son personnage.

– Un bureau de tabac où l'on peut entrer et dans le même coin, de nouveaux lieux évoqués, prétextes à d'autres souvenirs du personnage-joueur.

– L'épisode du bistrot est développé, rallongé, prétexte à présenter des personnages que le personnage-joueur a connu dans sa jeunesse et qui seront évoqués dans le dialogue final avec Paloma. On y trouvera également un journal à lire, évoquant diverses anecdotes et problématiques politiques, sociales, culturelles...

– Près du bistrot, un immeuble à explorer, où a vécu une amie du personnage-joueur.

– L'épisode des casernes est rallongé aussi, avec un personnage supplémentaire à rencontrer.

– On peut entrer dans le parc Sainte-Marie et y revivre plusieurs souvenirs, dont un mettant un scène un personnage qui reviendra à plusieurs autres reprises dans le jeu.

– Aux abords de la piscine, on peut interagir avec le milicien. On peut également explorer un peu plus les environs.

– Selon les actions préalables du personnage-joueur, et le dialogue avec Paloma, plusieurs fins seront disponibles.

*

Quelques screenshots :







Et pour finir, pour indication, la version 2016 du jeu fait 6603 mots, pour un walkthrough (selon les choix que l'on fait, le nombre peut évidemment changer). En comparaison, dans son état actuel, la version augmentée fait, pour un walkthrough aussi identique que possible en terme de choix,  15 734 mots.

lundi 12 février 2018

Anchorhead (in English)

I had started, a few weeks ago, and on the insistent advice of Monsieur Bouc, the classic of interactive fiction that is Anchorhead, by Michael S. Gentry, released in 1998 and "Best setting" at the XYZZY awards of the same year. A 100% Lovecraftian story, with its decrepit little port town, its dusty, ancient and ungodly tomes, and its family curse based on incest, murders and suicides of all kinds. Michael Gentry appears in the documentary Get Lamp, where he talks about his creative process, his initial motivations, and the fact that he wrote the story with his relationship with his wife in mind; which I found moving and disturbing in equal measure.

I had started to build the general map of the city, the player-character's house, and noted a number of clues, when I saw on Twitter the announcement of the release of the Inform 7 version, illustrated, augmented and slightly modified (in terms, precisely, of map, and puzzles). You can buy it on Steam or Itch.io :


I don't have much to compare it with, since I almost immediately switched to the most recent version, but I could see that the map was indeed slightly modified, and the puzzles a bit different (at least the only puzzle I solved so far, which consists in climbing on a barrel to pull a metal ladder to the roof of a building with your umbrella).

The writing is very pleasant, evocative, full of mystery and threat, and uses the Lovecraftian lexical field without ever being ridiculous. The implementation is just about perfect; all objects and scenery can be examined, and the NPCs have something to say about almost everything you can ask them about. The books, administrative documents and so on, which can be consulted, are numerous and talkative. Nothing to complain about, therefore, about the content of the game and the universe that is proposed to us.

The only thing I have a problem with is... the real lack of motivation to act. The first day, we break into the real estate office to find the keys to the house, fine, pick up Michael from college, fine, and go home to bed in our new house. The second day... We certainly make a strange dream, full of clues. But Michael warns us that he is going to work a little, alone, and we find ourselves idle, without clear objective. No mechanic in town to repair the car, no company to call to restore the electricity in the house... You can't even unpack your luggage, which clutters the entrance to the house. And that damn dream is a little light to go out and investigate.

Of course, you can steal Michael's student ID and use it to go to the university to look at old esoteric books. We can get lost in the back streets of Anchorhead and find a souvenir and trinket store, whose owner offers us a strange amulet. We can go to the court archives, or try to visit the patients' wing at the local asylum. But in the end, why? Why would a woman who has just arrived in a new city and a new life, go DIRECTLY to investigate her husband's family's past, and his reading material? Why would she explore the city from top to bottom? Looking for what? The player has, of course, his own motivations, but justifying them in the scenario itself would have been interesting and might have allowed the discoveries one is led to make to be more natural.

This lack of a clear objective for the main character is probably what prevents me, for the moment, from advancing in my adventure. I vaguely consulted the online solutions, which are for the 1998 version and are, I found, largely no longer useful. But the same thought came to me as I went through them: WHY is the player doing what he is doing? It's all the more annoying because time only passes in the game once you've reached the "objectives" that are implicitly given to you.

To be continued, then.

Anchorhead

J'avais commencé, il y a quelques semaines, et sur les conseils insistants de Monsieur Bouc, le classique de la fiction interactive qu'est Anchorhead, de Michael S. Gentry, sorti en 1998 et "Best setting" aux XYZZY awards de la même. Une histoire 100 % Lovecraftienne, avec sa petite ville portuaire décrépie, ses tomes poussiéreux, anciens et impies, et sa malédiction familiale à base d'inceste, de meurtres et de suicides en tous genres. Michael Gentry apparaît dans le documentaire Get Lamp, où il parle de sa démarche créative, de ses motivations initiales, et du fait qu'il a écrit l'histoire en ayant en tête de parler de sa relation avec son épouse ; ce que je trouve émouvant et inquiétant à parts égales.

J'avais commencé à établir la map générale de la ville, de la maison du personnage-joueur, et noté un certain nombre d'indices, lorsque j'ai vu sur Twitter l'annonce de la sortie de la version Inform 7, illustrée, augmentée et légèrement modifiée (en termes, justement, de map, et de puzzles). On peut l'acheter sur Steam ou Itch.io :


J'ai peu d'éléments de comparaison, puisque je suis donc presque immédiatement passé à la version la plus récente, mais j'ai pu constater qu'en effet la map était légèrement remaniée, et les puzzles un peu différents (du moins le seul puzzle que j'ai résolu jusqu'ici, et qui consiste à monter sur un baril pour, avec son parapluie, tirer vers soi une échelle métallique permettant d'accéder au toit d'un immeuble).

L'écriture est très agréable, évocatrice, chargée de mystère et de menace, et reprend le champ lexical lovecraftien sans jamais être ridicule. L'implémentation est à peu près parfaite ; tous les objets et éléments de décor peuvent être examinés, et les PNJ ont quelque chose à dire sur quasiment tous les sujets sur lesquels on peut les interroger. Les livres, documents administratifs et autres, que l'on peut consulter, sont nombreux et bavards. Rien à redire, donc, sur le contenu du jeu et sur l'univers qui nous est proposé.

La seule chose qui me pose problème, c'est... l'absence réelle de motivation pour agir. Le premier jour, on s'introduit dans l'agence immobilière pour trouver les clés de la maison, très bien, on va récupérer Michael à l'université, très bien, et on rentre se coucher dans notre nouvelle maison. Le deuxième jour... On fait certes un rêve étrange, bourré d'indices. Mais Michael nous prévient qu'il va travailler un peu, seul, et on se retrouve désoeuvré(e), sans objectif clair. Pas de garagiste en ville pour faire réparer la voiture, pas d'entreprise à appeler pour rétablir l'électricité dans la maison... On ne peut même défaire ses bagages, qui encombrent l'entrée de la maison. Et ce fichu rêve est un peu léger pour partir enquêter.

Bien sûr, on peut voler sa carte d'étudiant à Michael et s'en servir pour aller consulter de vieux ouvrages ésotériques à l'Université. On peut se perdre dans les ruelles d'Anchorhead et trouver un magasin de souvenirs et de bibelots, dont le propriétaire nous offre une amulette étrange. On peut aller consulter les archives du tribunal, ou essayer de visiter l'aile des patients, à l'asile du coin. Mais au fond, pourquoi ? Pourquoi une femme venant d'arriver dans une nouvelle ville et une nouvelle vie, irait DIRECTEMENT enquêter sur le passé de la famille de son mari, et sur les lectures de ce dernier ? Pourquoi explorerait-elle la ville de fond en comble ? À la recherche de quoi ? Le joueur a, bien entendu, ses propres motivations, mais les justifier dans le scénario même aurait été intéressant et aurait peut-être permis d'amener plus naturellement les découvertes qu'on est amené à faire.

Cette absence d'objectif clair pour le personnage principal est sans doute ce qui m'empêche le plus, pour l'instant, d'avancer dans mon aventure. J'ai vaguement consulté les solutions en ligne, qui concernent la version de 1998 et ne sont, je l'ai constaté, en grande partie plus utiles. Mais la même pensée m'est venue en les parcourant : POURQUOI le joueur fait-il ce qu'il fait ? C'est d'autant plus gênant que le temps ne passe, dans le jeu, qu'une fois qu'on a atteint les "objectifs", précisément, qui nous sont implicitement donnés.

À suivre, donc.