Quelques notes peu rédigées (parce que j'ai la flemme et c'est tout) au sujet de Melancholia.
• La mère boomeuse jouée par Charlotte Rampling, qui affirme au cours de son discours, censé être bienveillant, sa haine du mariage, en humiliant, rabrouant, démolissant ses gosses au passage. Je n'ai jamais vu ça dans aucun autre film : cette haine de la vie chez ceux-là mêmes qui nous ont conçus. Cette haine de tout engagement et donc toute contrainte, ce haine des traditions et de tout ce qui rythme la vie humaine depuis la nuit des temps, cette haine de tout ce qui est sans doute un peu kitsch, un peu ridicule, mais qui consiste à nier la misère fondamentale dans laquelle nous nous trouvons. Les boomers sont à la fois de grands enfants, et des contempteurs glaciaux, démoniaques, de la vie humaine et de ses réalités. De grands enfants et des vieillards impitoyables à la fois. Ils sont la mort et rien ne sera possible avant que le dernier d'entre eux n'ait expiré. Cette libération n'arrive pas, ceci dit, dans le film ; c'est bel et bien la mort qui gagne.
• Le personnage joué par Kirsten Dunst me fait penser à F... dans le genre "fille pas fiable" – je dis bien fille et pas femme ; ces spécimens-là ne deviennent jamais des femmes, elles restent à jamais des filles, dans tous les sens du terme : des petites filles et des putains. Fille pas fiable, donc, dont les humeurs extrêmes et changeantes, dont l'irrationalité totale menace toute normalité, toute vie stable, tout projet. Et le mari, brave con, qui attend, attend, attend qu'elle veuille bien lui adresser un regard. Et qui sait dès le début, au fond de lui, qu'il espère pour rien et que tout va lamentablement échouer, qu'il est un dindon de la farce consentant. J'ai été cet homme-là.
• L'incapacité complète à être heureuse de Justine (Kirsten Dunst). L'incapacité à faire semblant, à faire des efforts, et à retenir un tant soit peu les gens autour de soi. Je la comprends et l'ai connue aussi. Et cette paralysie lors des ruptures, qui semble être de la froideur alors qu'elle n'est qu'une pétrification d'horreur, en attendant la délivrance ; car si les ruptures sont déchirantes, le néant qui va suivre a un air reposant, attirant, si simple.
• Le spectacle de la saloperie morale bourgeoise / patronale. La violence derrière les sourires, les costumes. Les boîtes à fric, les pays de salauds genre Benelux. Le personnage du patron m'a fait penser immédiatement à ces luxos ou ces belges, je ne sais plus, que j'avais vus à un mariage chic en 2014. Ils dégageaient une puanteur morale insoutenable, une puanteur de fric.
• Cette planète qui heurte la Terre constitue la fin la plus stupide, la plus dénuée de sens, la plus sortie de nulle part, et donc la plus terrifiante qui soit, pour l'humanité. Même une apocalypse nucléaire, si absurde soit-elle, reste une consolation dans la mesure où elle est le produit de notre propre comportement, elle est interprétable comme un châtiment collectif, ou le crime d'un fou. La destruction de la Terre par la planète Melancholia n'est pas interprétable.
• Charlotte Gainsbourg, la juive, révoltée par cette fin religieusement absurde d'un point de vue judéo-chrétien ; Dieu n'avait rien annoncé d'aussi terrible. À l'inverse il y a Kirsten Dunst, la païenne, qui prend des bains nue dehors au clair de lune, sur du Wagner, et pour qui cette fin cataclysmique est peut-être religieusement plus acceptable ; les lois de la nature dominent et l'Homme n'est pas le centre de l'univers.
• Mais derrière cette dichotomie (qui n'existe que dans mon interprétation du casting, et peut-être dans les intentions de Lars von Trier) se cache le triomphe, la victoire par hérédité de maman Rampling. "La vie sur Terre est mauvaise" dit, texto ou en substance, je ne sais plus, Justine à sa soeur, pour la convaincre que l'arrivée de Melancholia est une bonne chose. La vie est mauvaise, le mariage et la reproduction sont mauvais, le bonheur est sans objet, l'avortement et l'euthanasie sont bons car la mort est bonne. Les boomers gagnent et le monde finit avec eux.
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