mardi 12 avril 2011

De haute lutte





C'est très dur à décrire pour quelqu'un qui ne joue pas, cette sensation quand on survole de tels paysages.



Certes ils sont primitifs, mais comme peuvent l'être des motifs folkloriques sur des broderies – une simplicité qui n'a rien de médiocre ou de limitatif, qui s'approcherait plutôt de l'épure – d'ailleurs les packs de textures plus réalistes, pour Minecraft, cassent le charme du jeu. Il doit avoir ces graphismes purs et géométriques, avec quelque chose de naïf, de presque enfantin, qui rappelle évidemment aussi les jeux vidéos de mon enfance où j'évoluais des heures durant, rêvant d'un au-delà des paysages proposés ; à ceci près qu'aujourd'hui ce fantasme est réalisé ; les rêves de mondes virtuels et de liberté infinis sont réalisés.





Difficile d'expliquer à quel point tout cela est réel – bien plus réel que tant de lieux que l'on fréquente, tant d'actes et de gestes que l'on effectue dans la vraie vie, quotidiennement, en mode automatique, sans la moindre attention, sans la moindre pensée, sans la moindre impression d'être soi-même vivant et réel.



Cette émotion, quand on survole un territoire certes virtuel mais qui a son existence propre – sa géographie, sa météo, ses animaux qui vivent, se reproduisent et meurent, sa végétation qui se développe. Quand on sait qu'on en est qu'un élément, minuscule, vulnérable, mais que petit à petit, au fur et à mesure que l'on explore, que l'on construit des refuges à flanc de colline ou dans les plaines, que l'on pose de hautes colonnes éclairées, pour se repérer la nuit, peu à peu donc on le fait sien, ce territoire, on apprend à le connaître, on mémorise sa topographie, on y inscrit sa présence et d'une terre étrange, inhospitalière, on en fait une patrie et un jardin.



Je survole la terre qui nous a été donnée, donc, inlassablement, de part et d'autre, j'y pose des torches pour que la nuit n'appartienne plus entièrement aux monstres, j'y élève des colonnes, des refuges, je relie les terres par des passerelles, et cette création où j'ai été jeté, j'en deviens le co-créateur et le propriétaire, de haute lutte. Fonctionnaire territorial le jour – topographe et civilisateur la nuit.

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