Week-end dans les Vosges. J'ai toujours aimé les gîtes typiques, pas forcément anciens mais typiques, de cette région, avec leurs murs couverts d'ardoise, leurs lambris, l'électro-ménager ancestral, et cette inévitable odeur de vieux bois, d'humidité, de terre, de fumée, qui est ma madeleine à moi, depuis l'enfance.
Le chalet avait un côté vraiment étrange ; j'ai tout de suite été fasciné par la chambre où l'on m'avait installé. Elle baignait dans une lumière rouge, à cause du rideau collé à la vitre, et avec le papier peint pourri, avec ce pan de mur affichant une photo géante de palmiers et d'une plage tropicale, avec les meubles vieillots en contreplaqué, le miroir, le lit pour enfant... tout cela ressemblait à un décor de cauchemar adorable.
Note du 23 août 2019 :
Ces photos (que je n'ai pas retouchées : l'ambiance était réellement celle-là) étaient tellement bizarres que je les avais utilisées pour un genre de canular, il y a une dizaine d'années, prétendant (sous l'un des faux noms qui me sert habituellement) qu'elles avaient été prises à New York ou Pattaya, je ne sais plus.
L'idée n'était pas de mentir pour le plaisir de mentir, mais parce que j'ai fini par considérer, à cette époque-là, en contemplant et en admettant la parfaite banalité de ma vie et de ma personne même, qu'elles étaient des freins au succès de mes créations. J'ai donc entrepris vers 2009 d'évoluer non seulement sous plusieurs pseudonymes, mais en inventant la vie et l'oeuvre fictives des personnages à qui j'attribuais mon propre travail. C'était pour moi un travail d'écrivain autant que de musicien et de plasticien (photographe, en l'occurrence) et cet aspect multimédia et fictionnel était incroyablement inspirant et consolant ; puisque ma vie était sans intérêt, j'allais en inventer d'autres.
Tout cela m'a aussi convaincu qu'une œuvre a besoin, pour être vraiment marquante, d'être accompagnée par toute une histoire, par un storytelling comme on dit spécifiquement de nos jours. Autrement dit, le storytelling (s'il y en a un) autour d'une œuvre fait qu'on le veuille ou non partie intégrante de l’œuvre.
Tout cela est valable que ce storytelling soit authentique (les albums de Black Metal norvégien des années 90 prennent une autre ampleur quand on connaît la carrière d'incendiaires ou de meurtriers de certains de ses membres) ou totalement fictif, comme le fameux Livre de Jérémie de JT LeRoy, qui s'est totalement inventé(e) une vie et n'a été démasqué(e) que récemment. Certains ont même intégré cette idée dans le corps même de leur œuvre : rien n'aurait empêché Danielewski de publier simplement le Navidson Record en tant que roman fantastique. Mais en rajoutant une deuxième couche de fiction (puisque La Maison des Feuilles est l'histoire de la découverte et du commentaire d'un manuscrit parlant du Navidson Record – lui-même un film fictif, un canular inventé par l'auteur du-dit manuscrit) il donne à son œuvre une ampleur infiniment plus grande.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire