dimanche 12 juin 2005

Pattaya [english]

Weekend in the Vosges. I have always loved the typical gîtes, not necessarily old but typical of this region, with their slate walls, their panelling, the ancestral household appliances, and that inevitable smell of old wood, dampness, earth, smoke, which is my own madeleine, since childhood.

The chalet had a really strange feel to it; I was immediately fascinated by the room where I was installed. It was bathed in red light, because of the curtain stuck to the window, and with the rotting wallpaper, with this wall with a giant picture of palm trees and a tropical beach, with the old plywood furniture, the mirror, the child's bed... it all looked like a lovely nightmare setting.

 
 

Note from 23 August 2019:

These photos (which I did not retouch: the mood was really that one) were so bizarre that I had used them for a kind of hoax, about ten years ago, claiming (under one of the false names I usually use) that they had been taken in New York or Pattaya, I don't remember.

The idea was not to lie for the sake of lying, but because I came to consider, at that time, by contemplating and admitting the perfect banality of my life and my very person, that they were obstacles to the success of my creations. So, around 2009, I began to evolve not only under several pseudonyms, but by inventing the fictional life and work of the characters to whom I attributed my own work. This was for me a writer's job as well as a musician's and a visual artist's (photographer's, in this case) and this multimedia and fictional aspect was incredibly inspiring and consoling; since my life was pointless, I was going to invent others.

All of this also convinced me that a work needs to be accompanied by a whole story, a storytelling as we say specifically these days, to be truly memorable. In other words, the storytelling (if there is one) around a work is an integral part of the work, whether we like it or not.

This is true whether the storytelling is authentic (Norwegian Black Metal albums from the 90's take on a different dimension when you know the career of some of its members as arsonists or murderers) or totally fictitious, like JT LeRoy's famous Book of Jeremiah, who totally invented a life for himself and was only recently unmasked. Some have even built this idea into the body of their work: nothing would have stopped Danielewski from simply publishing the Navidson Record as a fantasy novel. But by adding a second layer of fiction (since The House of Leaves is the story of the discovery of and commentary on a talking manuscript of the Navidson Record - itself a fictional film, a hoax invented by the author of the said manuscript) he gives his work an infinitely greater scope.

Pattaya [français]

Week-end dans les Vosges. J'ai toujours aimé les gîtes typiques, pas forcément anciens mais typiques, de cette région, avec leurs murs couverts d'ardoise, leurs lambris, l'électro-ménager ancestral, et cette inévitable odeur de vieux bois, d'humidité, de terre, de fumée, qui est ma madeleine à moi, depuis l'enfance.

Le chalet avait un côté vraiment étrange ; j'ai tout de suite été fasciné par la chambre où l'on m'avait installé. Elle baignait dans une lumière rouge, à cause du rideau collé à la vitre, et avec le papier peint pourri, avec ce pan de mur affichant une photo géante de palmiers et d'une plage tropicale, avec les meubles vieillots en contreplaqué, le miroir, le lit pour enfant... tout cela ressemblait à un décor de cauchemar adorable.


Note du 23 août 2019 :

Ces photos (que je n'ai pas retouchées : l'ambiance était réellement celle-là) étaient tellement bizarres que je les avais utilisées pour un genre de canular, il y a une dizaine d'années, prétendant (sous l'un des faux noms qui me sert habituellement) qu'elles avaient été prises à New York ou Pattaya, je ne sais plus.

L'idée n'était pas de mentir pour le plaisir de mentir, mais parce que j'ai fini par considérer, à cette époque-là, en contemplant et en admettant la parfaite banalité de ma vie et de ma personne même, qu'elles étaient des freins au succès de mes créations. J'ai donc entrepris vers 2009 d'évoluer non seulement sous plusieurs pseudonymes, mais en inventant la vie et l'oeuvre fictives des personnages à qui j'attribuais mon propre travail. C'était pour moi un travail d'écrivain autant que de musicien et de plasticien (photographe, en l'occurrence) et cet aspect multimédia et fictionnel était incroyablement inspirant et consolant ; puisque ma vie était sans intérêt, j'allais en inventer d'autres.

Tout cela m'a aussi convaincu qu'une œuvre a besoin, pour être vraiment marquante, d'être accompagnée par toute une histoire, par un storytelling comme on dit spécifiquement de nos jours. Autrement dit, le storytelling (s'il y en a un) autour d'une œuvre fait qu'on le veuille ou non partie intégrante de l’œuvre.

Tout cela est valable que ce storytelling soit authentique (les albums de Black Metal norvégien des années 90 prennent une autre ampleur quand on connaît la carrière d'incendiaires ou de meurtriers de certains de ses membres) ou totalement fictif, comme le fameux Livre de Jérémie de JT LeRoy, qui s'est totalement inventé(e) une vie et n'a été démasqué(e) que récemment. Certains ont même intégré cette idée dans le corps même de leur œuvre : rien n'aurait empêché Danielewski de publier simplement le Navidson Record en tant que roman fantastique. Mais en rajoutant une deuxième couche de fiction (puisque La Maison des Feuilles est l'histoire de la découverte et du commentaire d'un manuscrit parlant du Navidson Record – lui-même un film fictif, un canular inventé par l'auteur du-dit manuscrit) il donne à son œuvre une ampleur infiniment plus grande.