vendredi 6 septembre 2024

Paper p0rn (english)

There's one thing I particularly like about Firewatch, which I replayed recently, and which I was keen to get back to after replaying Dishonored too: the manuscripts and printed matter scattered all over the place.

The omnipresence of paper and the written word.

Books. Filing cabinets. Personal letters and notes.

The visible, material, primary presence of information.

What could be more beautiful than a map annotated and expanded over the years and by contributors?

What could be more exciting than a binder full of secret information about things and people, as if life were a spy movie?

What could be cooler than a desk full of notes, diagrams, handwritten or typed letters, where you have your thoughts in front of you, unmediated and without the need for a machine?

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I had my "Moleskine notebook" period 15 years ago, when I rediscovered the pleasure of scribbling, drawing, taking notes as I went along... Many of my notes on interactive fiction, music, literary texts and personal life decisions can be found there.

Nevertheless, since the early 2000s, we've moved into the world of e-mail, Google docs, Evernote and so on, for good and for ill.

I'd love to exchange letters, notes, sketches, annotated documents, with a few friends, about anything, no matter what, just for the pleasure of getting back to the written word for a while, to that thing that defines the human being almost as much as articulated language: the act of tracing signs by hand, understandable by others.

Nevertheless, I have to face the facts: it's all dead. A few weeks ago I started writing a letter, on paper, to a friend who runs a music label, with whom I chat regularly on Messenger and Telegram, and who shares – it's generational – my nostalgia for the good old days of letters and flyers, catalogs and paper in general. And I found myself, after two pages of disserting on the very meaning of sending letters to each other, plunged into an unbelievable depression that I only got rid of by tearing it all up and resolving to continue writing him e-mails or DMs.

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On the other hand, it's possible for me to live out these paper fantasies in my private artistic life, to call it that; I already have a few filing cabinets at home, where I keep old notes, drawings, memos, scribbled addresses, photocopies of this or that - whether it concerns my musical life, the I.F. or anything else.

In the same way, I have a Filofax where I record the masses I pay for this or that deceased person, this or that intention, and where I have as exaustive a listing as possible of all the people or groups of people I've come into contact with in my life, likely to be the subject of intentions for mass, prayer or fasting in their favor. I like to see a sheet of paper with names, dates and little boxes to tick. There's definitely something of a bureaucrat about me. I might as well put this aspect of my personality to good use in my spiritual and artistic life. Because life is both a game and a serious struggle, requiring method and documentation.

Paper p0rn (français)

Il y a une chose qui me plaît particulièrement dans Firewatch, auquel j'ai rejoué récemment, et que j'ai eu envie de retrouver après avoir rejoué aussi à Dishonored : les manuscrits et les imprimés, disséminés un peu partout.

L'omniprésence du papier et de l'écrit.

Les bouquins. Les classeurs. Les lettres et notes personnelles.

La présence visible, matérielle, primaire, de l'information.

Quoi de plus beau qu'une carte annotée et augmentée au fil des années et des contributeurs ?

Quoi de plus excitant qu'un classeur rempli d'informations secrètes sur des choses ou des personnes, comme si la vie était un film d'espionnage ?

Quoi de plus cool qu'un bureau chargé en notes, en schémas, en lettres manuscrites ou tapées à la machine, où l'on a, sans médiation, sans besoin d'aucune machine, sa pensée sous les yeux ?

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J'ai eu ma période "carnets Moleskine" il y a 15 ans, période à laquelle j'ai retrouvé le plaisir de griffonner, de dessiner, de prendre des notes au fil de la pensée... Beaucoup de mes notes concernant mes fictions interactives, ma musique, mes textes littéraires ou mes décisions en matière de vie personnelle s'y trouvent.

Il n'empêche que nous avons, pour de bon, et pour le meilleur comme pour le pire, depuis le début des années 2000, basculé dans le monde des e-mails, de Google docs, d'Evernote, etc.

J'adorerais échanger des lettres, des notes, des croquis, des documents annotés, avec quelques amis, au sujet de n'importe quoi, peu importe, juste pour le plaisir de revenir un peu à l'écrit, à cette chose qui presque autant que le langage articulé définit l'humain : le fait de tracer des signes à la main, compréhensibles par d'autres.

Néanmoins je dois me rendre à l'évidence ; tout cela est mort. Il y a quelques semaines j'ai justement entamé une lettre, sur papier, à l'attention d'un ami, qui gère un label musical, avec qui je discute régulièrement sur Messenger et Telegram, et qui partage – c'est générationnel – ma nostalgie du bon vieux temps des lettres et des flyers, des catalogues, du papier en général. Et je me suis retrouvé, après deux pages à disserter sur le sens du fait même de s'envoyer des courriers, plongé dans une déprime invraisemblable dont je ne me suis débarassé qu'en déchirant tout ça et en me résolvant à continuer à lui écrire des mails ou des DM.

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En revanche il m'est possible de vivre ces fantasmes de papier dans ma vie artistique privée, pour appeler ça comme ça ; j'ai quelques classeurs chez moi, déjà, ou je garde de vieilles notes, des dessins, des mémos, des adresses griffonées, des photocopies de ceci ou cela – que cela concerne ma vie musicale, l'I.F ou n'importe quoi d'autre.

De la même manière, je possède un Filofax où je consigne les messes que je paie pour tel ou tel défunt, telle ou telle intention, et où j'ai un listing aussi exaustif que possible de toutes les personnes ou groupes de personnes que j'ai approchés dans ma vie, susceptibles de faire l'objet d'intentions de messe, de prière, ou de jeûne en leur faveur. J'aime voir une feuille de classeur comportant des noms, des dates, de petites cases à cocher. Indéniablement il y a quelque chose d'un bureaucrate en moi. Autant mettre cet aspect de ma personnalité au service de ma vie spirituelle et artistique. Car la vie est à la fois un jeu et un combat du plus grand sérieux, qui nécessite méthode et documentation.

vendredi 19 juillet 2024

Daydreaming

I had a delicious nap yesterday while listening to some YouTube video of “Silent Hill ambient”, a genre born on the Internet that consists of remixing/recycling music from the Silent Hill video games over and over again.

The track – at least one of its sequences, since the whole thing lasts four hours – had something particularly brilliant about it, insofar as beneath the main layer, which alternated two or three interminable notes, you could hear, faintly, high-pitched melodies, much faster, like arabesques of flutes a little out of tune and far away; like a world barely perceptible but very present, almost tangible, behind this veil of ambient layers in the foreground.

I imagined, half-dreaming, a video game with primitive graphics, let's say a la Daggerfall, but in entirely purple tones; a first-person game where you'd wander through a snowy country landscape, encountering strange scenes, static NPCs, motionless or busy with mysterious things, perhaps some kind of ritual, and who'd say sybillinous, poetic things to the player. Music would have been absolutely front and center, not as a mere ambient element, but as a fundamental part of the world being explored – for example, certain sounds, certain melodies, would have been as if emitted by this or that element of the scenery (a sacred tree, a person, etc.) and their sound volume in the overall mix, proportional to the player's proximity to them. A poetic and aesthetic experience rather than a playful one.

Long before I heard about Daggerfall and had this semi-awake dream, I used to have these kind of wintry, purple visions, when I was still almost a teenager, listening to the Kirke Aske demo, for example. It seems to be a kind of archetype with me, a mental landscape probably as old as I am.

Rêverie

Sieste extatique hier en écoutant une quelconque vidéo YouTube de "Silent Hill ambient", ce genre né sur Internet qui consiste à remixer / recycler encore et encore les musiques des jeux vidéos Silent Hill.

Le morceau – du moins l'une de ses séquences, puisque le tout dure quatre heures – avait quelque chose de particulièrement génial dans la mesure où sous la nappe principale, qui alternait deux ou trois notes interminables, on pouvait entendre, à peine, des mélodies suraiguës, bien plus rapides, comme des arabesques de flûtes un peu désaccordées et lointaines ; comme un monde à peine perceptible mais bien présent, presque tangible, derrière ce voile de nappes ambient au premier plan.

J'imaginais, en rêvant à moitié, un jeu vidéo aux graphismes primitifs, disons à la Daggerfall, mais dans des tons entièrement violets ; un jeu à la première personne où l'on aurait erré dans un paysage campagnard enneigé, en croisant des scènes étranges, des PNJ statiques, immobiles ou bien occupés des choses mystérieuses, peut-être à des sortes de rituels, et qui auraient tenu au joueur des propos sybillins et poétiques. La musique aurait été absolument au premier plan, non pas comme un simple élément d'ambiance mais comme un élément fondamental du monde que l'on explore – par exemple certains sons, certaines mélodies, auraient été comme émises par tel ou tel élément du décor (un arbre sacré, une personne, etc) et leur volume sonore dans le mix général, proportionnel à la proximité du joueur avec eux. Une expérience poétique et esthétique plus que ludique à proprement parler.

Bien avant de connaître Daggerfall et de faire ce rêve semi-éveillé, j'avais ce genre de visions hivernales et baignant dans le violet, quand j'écoutais encore presque ado, la démo de Kirke Aske, par exemple. C'est apparemment une sorte d'archétype chez moi, un paysage mental probablement aussi vieux que moi.