Je réfléchis aux choses, à mes priorités, à l'ordre que je dois donner aux éléments de ma vie – une fois de plus. Que valent la musique, et toutes ces branlettes narcissiques sur le succès, les "scènes" et les gens à connaître, la réputation, la postérité, etc, face à Laurence ?
À la réalité concrète, quotidienne, de Laurence, de ma vie avec elle ? Du besoin qu'elle a de moi, du rôle, de l'importance qu'elle me permet d'avoir dans la vie réelle ?
L'écriture est un des moyens de me débarrasser de ce trop-plein de "créativité" que je n'arrive plus à évacuer par la musique, pour des tas de raison. Et puis j'ai toujours voulu écrire ; avec aussi quand même la conscience grandissante au fil des ans (ou l'acceptation, simplement), que je ne serais jamais un "vrai" écrivain ; pas les tripes pour pondre tout un roman, tenir la distance, prendre le temps qu'il faut pour ça, cette ascèse.
Mais grâce en partie à Delwiche et à nos délires comme Jésus Clochard, la NPO et cie, j'ai commencé à développer des formes littéraires adaptées à ma façon d'écrire, de ressentir, ainsi qu'aux choses dont je veux traiter. Les souvenirs fictifs par exemple. Ou les descriptions de photographies imaginaires. Les faux articles de presse. Attribuer mes souvenirs réels à un personnage fictif. Prendre la parole sous le nom d'une personne réelle, l'usurper, lui inventer des vies fictives, mais qui peut-être seraient une autre forme de vérité, pas seulement de l'invention (encore que, sens éthymologique d'inventer : découvrir un trésor, des objets de valeur, etc). Et encore bien d'autres choses.
Ce blog lui-même est un moyen de me décharger de ma créativité – mot qui pue, en fait, parce qu'il ne s'agit pas d'art mais d'un trop plein d'images, un trop plein de mots qui ont besoin de sortir, d'êtres qui demandent à être nommés et de formes qui veulent naître.
J'ai retrouvé l'envie de me consacrer au blog de l'Association des Survivants de Sarreguemines. Je vais un peu moins donner dans les histoires weird, macabres ou farfelues, je ne veux pas que ce blog devienne une grosse blague ou un Nouvelles du Monde local. Je vais me concentrer sur les micro-souvenirs, autre forme littéraire que j'ai trouvée adaptée à mon projet. Et sur la multiplication, encore, des voix. Un vrai chœur de fantômes.
J'espère pouvoir prendre plein de photos de Sarreguemines demain, pour les mettre sur le blog, le rendre plus beau, plus nostalgique. Je voudrais qu'un maximum de gens de Sarreguemines le connaissent et l'aiment, malgré sa bizarrerie et ses quelques recoins malsains. Je voudrais qu'ils en parlent sur le net, qu'ils m'écrivent, aussi, je voudrais transmettre et faire comprendre ce que je ressens quant à cette ville.
Je dois assumer de vivre sur le net et de n'être qu'un nerd parmi d'autres – je veux dire, pas un guitar hero qui s'éclate à deux mètres au dessus de la foule. Ça, je ne le serai jamais. Inutile de faire quoi que ce soit qui tendrait à me le faire devenir : c'est de l'énergie gaspillée. C'est difficile à accepter, mais je dois agir dans l'ombre et avec les outils que j'ai – qui sont aussi les outils caractéristiques d'une époque. Il doit bien y avoir une forme de noblesse là-dedans...
Je dois aussi le faire parce que c'est l'un des seuls moyens pour moi d'entrer en contact avec des gens. Un moyen un peu bizarre, comme un gamin qui arrête des adultes dans la rue, pour leur montrer des dessins horribles et obscènes, en espérant qu'ils s'intéresseront à lui, qu'ils seront gentils avec lui. Mais c'est tout ce que j'ai.